Floating Landscape


Par Alain - Août 2003

Aujourd'hui s'ouvre la 60ème édition du festival de Venise. Si vous avez suivi les news, vous aurez sûrement remarqué qu'un film hong kongais s'est glissé dans la compétition officielle face à des pointures comme Takeshi Kitano ou Tsia Ming-Liang. Ce film, c'est Floating Landscape et il risque fort d'être l'un des films majeurs de cette année.

Maan (Karena Lam) vient de perdre son fiancé, Sam (Ekin Cheng), un peintre qui avait toute la vie devant lui mais est mort lentement d'une maladie incurable. Avant sa mort, il se souvenait d'un paysage qui l'avait marqué lorsqu'il était encore enfant quand il vivait à Qingdao en Chine. Maan part à Qingdao pour retrouver ce paysage. A Qingdao, elle fait la rencontre de Lit (Liu Ye), un facteur qui va l'aider à trouver cet endroit. Une relation se créé entre Lit et Maan mais elle ne peut oublier l'amour qu'elle avait pour Sam.

Scénariste et réalisatrice, Carol Lai Miu-Suet a écrit cette histoire simple en y mettant tout son cœur, voulant privilégier la force psychologique et émotionnelle et on ne peut que lui donner raison face aux réussites que sont des films comme Failan et Lost And Found. Avec déjà un premier film (Glass Tears) très abouti sous le bras, la genèse de ce film n'est qu'une succession d'évènements heureux. Au vu de la qualité de son script, Carol Lai n'a pas eu beaucoup de difficultés à convaincre le très respecté Stanley Kwan de prendre charge la production du film. La collaboration avec Filmko est quasi salvatrice vu l'ambition de cette jeune boîte de production qui devient de plus en plus importante au sein de l'industrie cinématographique locale. Pour satisfaire à leurs propres critères de qualité, Filmko ne se refuse aucune restriction de budget et la politique de leur société est représentative des changements actuels dans les méthodes de production du cinéma HK. Avec Floating Landscape, ils sont dans les premiers à avoir compris que la co-production internationale est leur planche de salut et c'est ainsi qu'ils collaborent avec la boîte de production japonaise NHK et les vétérans chinois de Sil-Métropole (producteur entre autre de Shaolin Temple avec Jet Li). Le projet fait son bout de chemin et atterrit sur le bureau de Sylvain Burzsten, patron de Rosem Films. Cette co-production internationale amènera le film à obtenir directement des subsides de l'état français via le fond sud cinéma. Au bout du compte, Floating Landscape s'octroie un budget assez élevé pour un film dramatique hong kongais avec pas moins de 1,3 millions $US (l'équivalent de 10,14 millions $HK). Hong-Kong vit peut-être une crise financière mais il y'a encore des gens pour se battre et monter de tels projets en dehors de toutes considérations commerciales.

Le tournage a duré assez longtemps mais il est l'une des premières collaborations entre HK et la Chine (en dehors de Roots and Branches qui fût un pionier en la matière), une tendance logique du marché qui ne fait que s'accroître de mois en mois. Malgré tout, les différences de techniques de travail et culturelles restent toujours présente dans cette situation qui se résume bien sous l'adage " un pays, deux systèmes ". Cet état de fait a trouvé son paroxysme lorsque Liu Ye demanda sérieusement à Ekin Cheng si Young&Dangerous était sa vraie vie : ça fait rire mais ça montre les disparités entre ces deux cultures. Mais quoiqu'il en soit, Carol Lai a su maintenir son projet jusqu'au bout et s'est même offert le luxe de stopper le tournage pour attendre le printemps et la floraison des arbres pour les besoins de son script : cette idée de perfection et de contrôle total de l'auteur sur son œuvre est quasi inédite pour une industrie habituée aux tournages express et à la rentabilité (en fait, il n'y a que de rares personnalités comme Wong Kar-Waï qui peuvent avoir de telles caprices et Carol Lai pourrait bien en être la meilleur élève). Boostée internationalement, Carol Lai aura quasiment la possibilité de faire la post-production de Floating Landscape à Paris avec tous les moyens du cinéma français en terme de mixage, montage, étalonnage, etc… Une semaine après l'avoir rencontré, Floating Landscape était sélectionné en compétition officielle du festival de Venise, ce qui en dit long sur le potentiel du film et de sa réalisatrice qui vait déjà réussi à figurer à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2001. Sans compter que durant le mois de juillet 2003 est apparu un nouveau décret chinois autorisant les co-productions HK-Chine à être distribuées sans restrictions sur le territoire chinois. Cette mesure a déjà donné à Heroic Duo une ouverture sur 800 salles réparties dans le pays (ce qui est 10 fois plus que la plus grosse distribution possible à Hong Kong) et vu la popularité de Liu Ye et la co-production avec Sil-Metropole, Floating Landscape peut d'ores et déjà espéré une vaste distribution en République de Chine (sans compter le marché international qui va être attiré par sa sélection à Venise). Cela ressemble à une success-story comme dans les romans mais c'est la réalité, dûe au travail acharné de tout ceux qui ont collaboré au film et n'importe quel cinéphile peut se faire une idée de tous les éléments qui participent à la future réussite de ce film : un script simple mais fort, un producteur de premier choix (Stanley Kwan), une réalisatrice prometteuse (Carol Lai), une méga-star en quête de nouveaux challenges (Ekin Cheng), une actrice déjà couronnée pour son talent (Karena Lam) et un acteur à échelle internationale (Liu Ye).

Stanley Kwan et Ekin Cheng sont déjà assez connus, c'est ainsi que nous avons voulu mettre l'accent sur ces personnalités appelées à devenir de très grandes célébrités dans les mois à venir grâce à leurs capacités et leur travail. Nous les avons interviewés sur leurs vies et carrières en espérant que cela vous donnera envie de vous pencher sur leurs films. En attendant, peu de gens ont encore vu une version finale de Floating Landscape mais lorsqu'on interroge Carol Lai sur la qualité de son film et qu'elle vous répond avec une assurance désarmante et un grand sourire complice "vous verrez…", on comprend tout de suite que le film est entre de bonnes mains et que sa réussite est déjà acquise…

Plus bientôt...



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