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Les Garçons de Fengkuei
les avis de Cinemasie
3 critiques: 4/5
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5 critiques: 4/5
Magie Ordinaire
Les Garçons de Fengkuei, c'est le long métrage où se déploie vraiment le style du HHH naturaliste première manière après la "transition" l'Herbe verte près de chez nous et le sketch de L'Homme Sandwich. Coup d'essai/coup de maître vu qu'il s'agit d'un des plus beaux films de son auteur à ce jour.
Se déploient déjà ici ses fameux longs plans séquences distants en forme de regard plein de nostalgie sur un passé qui est celui du scénariste Chu Tien Wen. Mais HHH cadre parfois ses personnages à une distance qu'on pourrait qualifier de "moyenne": assez proche de ses personnages pour être près de ce qu'ils ressentent mais suffisamment "éloignée" pour ne pas les écraser. A ceci s'ajoutent quelques mouvements de caméra et quelques coups de zooms assez discrets pour bien s'intégrer au dispositif du film. Du coup, tout le film dégage un sentiment de passé regardé avec regret certes mais sans idéalisation. La nostalgie est là mais ce "paradis perdu" n'est pas pour autant idéal ou irréel. Au contraire, le film capte le beauté des souvenirs de jeunesse dans ce qu'elle a de plus ordinaire (les petits détails), sans les romantiser.
Bref de ces instants souvent aussi banals qu'inoubliables, parfois tristes, parfois droles, parfois euphoriques et parfois tout cela à la fois. Comme ces moments où l'on use d'un subterfuge malin pour s'introduire dans une salle de cinéma, ceux où l'on fait les pitres sur la plage pour faire son intéréssant devant une fille, ceux où on prend juste le temps de regarder la mer... Et en plus de capter la magie de ces instants-là le film capte aussi la découverte de la vie urbaine, de ses joies et ses désillusions. Comme ce moment où l'on se presse en groupe pour regarder la fille de l'appartement d'en face. Ou ce retour en groupe à la maison la bouche bien imbibée d'alcool. Et puis le cinéma encore sous deux formes. Celui d'un visionnage en compagnie d'une fille qu'on oubliera pas. Mais aussi la superbe scène de "l'arnaque" où la salle de cinéma promise n'est qu'une grande fenetre avec vue panoramique sur la ville. Sauf que les garçons vont quand meme regarder ce "grand écran"-là, c'est à dire sasir une opportunité de regarder le réel autrement. Comme une forme de résumé du cinéma d'Hou Hsiao Hsien dans sa phase naturaliste. Seule petite limite du film: le recours à un score classique apporte un lyrisme faisant pièce rapportée au vu de la tonalité d'ensemble du film.
Quand le film s'achève, les personnages sont remplis de désillusions, de déceptions. Mais ils n'oublieront probablement jamais ces moments passés à tuer le temps que le service militaire va leur enlever. Nous non plus.
Déjà du grand HHH, et un des plus accessibles
Déjà tout HHH dans ce film : cadre impérial, lumière douce, irruption de violence (au milieu d'un repas, une soupe va soudainement s'exploser au fond d'une cour) et subtilité des sentiments. A trois reprises, le film sidère, lors de flashs oniriques intégrés sans prévenir dans la narration. Le premier, un souvenir d'accident de base-ball, est une illumination, il faut attendre le retour à la vie réelle pour comprendre ce qu'on a vu/rêvé. HHH suit de plus en plus, et toujours par petites touches, le personnage le plus rêveur, et le laisse à jamais perdu dans un monde ou les morts s'invitent à la table des vivants. La majorité des séquences sont de grands moments de mise en scène. Ce film est peut être le plus accessible et plaisant des HHH : ce n'est pas le plus lent est il est souvent très drôle, on oublie trop souvent le potentiel comique des réalisateurs taïwanais. Certains délires du groupe de potes ont dû été improvisés dans de grandes séances de rigolade. A retenir, une danse débile sur la plage pour impressionner une nana, et un retour de beuverie en chantant comme des barriques. S'il l'avait voulu, HHH aurait pu réaliser un "American Pie", et ça aurait été à se pisser dessus. Dès le début des années 80, avec son quatrième long métrage, il était déjà en tête dans toutes les matières.
Evolution
Avec "Les Garçons de Fengkueî", Hou Hsiao-hsien commence une orientation plus personnelle de son cinéma.
Exit les chansons composées et exécutées par le casting de tête des films précédents.
La romance prononcée est ici diluée dans le reste du récit et restera - au mieux - au stade embryonnaire mais aura son importance et la structure narrative devient sensiblement plus "naturaliste" en ce qui concerne les évènements montrés par le metteur en scène et son casting.
Prenant le contre-pied de ses longs-métrages commerciaux, Hou décide de mettre l'environnement urbain plus en valeur en matière de temps de présence et d'importance.
Pour cela, il en fait le terrain propice aux conflits entre jeunes gens liés par une amitié que l'on imagine profonde, aux rencontres plus ou moins heureuses et aux difficultés d'adaptation.
30 septembre 2020
par
A-b-a
Excellente chronique douce-amère
Quatrième film et première réussite majeure du cinéaste taïwanais Hou Hsiao Hsien,
Les Garçons de Fengkuei – également baptisé
All the Youthful Days – s'applique à nous présenter le destin plutôt banal de trois jeunes garçons un peu paumés qui décident de quitter leur campagne natale pour s'établir dans la ville de Kaohsiung. De fil en aiguille, ils apprendront à découvrir cet univers urbain et se lieront d'amitié avec une modeste jeune fille avant que leurs chemins respectifs ne les séparent. On l'aura compris, rien de bien palpitant ou surprenant dans un tel script sur le papier, mais le génie de HHH fait toute la différence. Dès les premières secondes,
Les Garçons de Fengkuei impose sa couleur avec un filmage cru, des acteurs en roue libre, une succession d'instants de la vie quotidienne sans réelle progression dramatique et des plans fixes qui donnent quelquefois l'illusion de revêtir d'authentiques tableaux animés. L'ennui poli de
Millennium Mambo, bel objet creux et branché synthétisant le pire du cinéma d'auteur asiatique contemporain, ne se manifeste à aucun moment dans cette chronique certes lente et simpliste sur le plan du scénario (nous sommes loin de la thématique très forte d'un
City of Sadness, par exemple) mais tellement touchante et crédible, aussi distante que soit la mise en image de HHH. Ces scènes comme captées de la réalité par la caméra discrète et sans fioritures du réalisateur envoûtent constamment et se voient magnifiées par l'utilisation de standards de la musique classique qui leur seyent à la perfection. Au sein de cette atmosphère proche du naturalisme, les quelques éclats oniriques suggérés par l'intrigue (le fils qui se remémore son père des années avant que ce dernier ne devienne un légume suite à un accident de base-ball) paraissent s'emboîter des plus naturellement dans celle-ci et ne brisent guère la logique de narration puisqu'ils ne font appel qu'au souvenir, non pas à l'imaginaire.
Les Garçons de Fengkuei est en premier lieu un beau film de personnages sans pour autant basculer dans l'étude de caractères, regard neutre de Hou Hsiao Hsien oblige. C'est également l'une des œuvres les plus représentatives du style visuel et du traitement propres à leur auteur en sus de se classer parmi les pièces importantes du cinéma taïwanais des années 80. Un véritable petit bijou, loin des tics et des codes du film d'auteur contemplatif « trendy » dans lesquels Hou lui-même finira par se perdre à l'aube du nouveau millénaire.