Ruines de l'amour
Rouge est un film qui doit marquer les spectateurs à Hong-Kong. Bien plus que les spectateurs d'autres pays. Car si ce drame de Stanley Kwan est un bon film quel que soit le public, la nostalgie qu'il véhicule s'adresse doublement aux personnes de son pays d'origine. Rouge est un film sur le deuil, thème oh combien universel. Mais Rouge parle aussi des années qui passent à Hong-Kong, et met en scène deux légendes dont le public local a bien du mal à faire le deuil. Sacré meilleur film en 1988, le film a probablement gagné un cran supplémentaire dans l'émotion depuis les évènements tragiques que l'on connaît.
A la base, Stanley Kwan signait déjà un très beau drame, peut-être un peu pénalisé par l'histoire évidemment moins touchante du couple moderne comparé au couple ancien. L'idée de les mettre en parallèle est intéressante, mais le couple en question est moins glamour que son prédécesseur. On pourrait parfois rêver de voir Fleur errer pendant tout le film dans Hong Kong, revisitant sa vie passée et la vie de l'époque en en retrouvant plus que des traces. Mais il faut aussi une trame plus dense, afin de garder l'intérêt du public. Le montage des deux époques est relativement efficace, on jongle d'une époque à l'autre afin de ne pas révéler toute l'histoire trop vite.
Stanley Kwan délivre comme souvent une réalisation très effacée, peut-être un peu trop pour la période des années 30, qui aurait mérité plus de "faste". Mais il laisse surtout la part belle aux acteurs et à son propos. Et si une personne crève l'écran dans ce film, c'est bel et bien Anita Mui. Alors qu'on la retrouve souvent à faire la pitre dans des comédies locales ou bien à jouer des femmes fatales au glamour exacerbé, elle délivre ici une performance étonnante, tout en retenue. Difficile d'oublier ses grands yeux tristes qui hantent le film tout du long. Leslie Cheung se révèle également convainquant, même si son rôle, plus court, est évidemment moins chargé émotionnellement.
Souvenirs
Que reste-t-il de l'amour après la séparation? Continuer à croire, voilà l'histoire de Fleur, tout simplement la quète de ce qui a été perdu mais dont le deuil n'a pas été fait. Finalement que le personnage joué par Anita Mui soit un fantôme importe peu. Cette histoire d'amour passée croisée avec celle du couple contemporain est seule trame du film. Mais cette langueur est magnifiquement rendue et Anita Mui imprime toute sa présence au film.
01 février 2004
par
jeffy
"Rouge" est, à tous points de vue et sans nul doute l'un des meilleurs films de Stanley Kwan. Le projet était, au départ, pourtant dédié à un autre metteur en scène et incarné par un casting tout différent à l'origine sauf Anita Mui qui y est restée attachée tout du long malgré son long temps de gestation. C'est cette dernière qui à également imposée Leslie Cheung dans le rôle titre masculin. Ils forment tous les deux un tandem amoureux complice jusqu'à ce que le destin et les décisions de chacun(e)(s) s'en mêle. L'intégralité de la distribution est excellente mais la part belle reste néanmoins donnée au personnage interprété par Anita Mui, sa performance tout en charme, retenue et lascivité est exceptionnelle.
La nostalgie (ré)incarnée
Certes ce n'est pas un grand film classique (si cela veut dire quelque chose lorsque l'on parle de films créés au sein d'une tradition non-occidentale), ni une oeuvre puissante ou expérimentale, mais c'est un bon film d'artisan-conteur consciencieux.La narration alterne entre l'époque contemporaine du récit et le passé des souvenirs du personnage d'Anita Mui (Fleur). Ce procédé assez conventionnel prend largement le pas sur l'argument fantastique (une histoire de fantôme...) et imprègne le film d'une nostalgie douce-amère qui s'incarne complètement dans le visage et le jeu d'Anita Mui.
L'aspect fantômatique de son personnage (et pour cause) devient ainsi plus le symbole, le symptôme d'une époque et d'une culture disparues mais aussi des regrets, des compromis et des déceptions qu'engendre la vie. Les décors raffinés et les costumes du Honk Kong du début du siècle comparés à la ville "défigurée" et à la mode vestimentaire des années 80 font écho au visage blafard et aux lèvres pâles que le fantôme de Fleur s'entête à recolorer chaque jour, pour retrouver les couleurs de sa vie passée.
L'histoire d'amour impossible est certes mélodramatique (ce qui n'est pas un défaut, les tragédies classiques sont également faites d'amours impossibles) mais traitée de manière sobre, tant dans le scénario, la réalisation que le jeu des acteurs. Elle offre de beaux et émouvants moments d'intimité entre Leslie Cheung et Anita Mui et se clot par un final discrètement poétique.
Je m'en voudrais de terminer sans dire que j'ai découvert le film après la mort des deux acteurs principaux, et que cette nostalgique histoire de fantômes qui se déroule par moments dans le milieu de l'opéra chinois et du cinéma n'en est que plus troublante. Ce film modeste devient ainsi une sorte d'hommage involontaire plutôt touchant.
Enrevoir, Mon Amour.
Une chose frappante dans Rouge, c’est sa sobrietée. Que ce soit dans sa mise en scène très posée, en passant par la musique magnifique mais finalement discrète laissant un long silence peser sur l’ensemble du film ; jusqu’à finir par le jeu inhabituellement sobre d’Alex Man ( absolument formidable au passage).
Pour raconter cette puissante histoire d’amour, il fallait cette sobrietée. Pas d’esbrouffe, juste une caméra fixe qui capte l’essence de l’amour, qui traverse le temps et le film pour capturer le spectateur au détour d’un regard mélancolique, d’une chanson fredonnée par Leslie Cheung ou encore par une Anita Mui divine, perdue et amoureuse, à la recherche d’un amour d’un temps jadis dans un Hong Kong moderne, qu’elle ne reconnait pas.
Le film est clairement porté par ses acteurs, deux duos formidables de justesse. Celui d’Anita et Leslie, deux légendes du cinéma Hong Kongais ; réunis dans un étrange et malheureux présage funeste. Lorsque la fiction rejoint la réalité... Très complémentaires, leur couple est magnifié par la caméra de Staney Kwan, tour à tour innocents et tragiques. Sous l’oeil d’Alex Man et Emily Chu eux aussi en parfaite harmonie, ils s’aimeront puis seront séparés, jusqu’à la quête d’Anita dans une autre période. D’une profonde mélancolie, la partie moderne du film est très réussie, joignant la modernité d’un monde en plein envol sous le regard du passé et des souvenirs.
Les derniers instants d’un film sont d’une dureté incroyable, surtout le dernier plan d’Anita se retournant une dernière fois vers son ancien amour, vers la caméra, vers le spectateur...
Enrevoir, Mon Amour.
Rien que pour vos yeux.
Il y a quelque chose de fabuleux à Rouge - c'est un seul élément, mais il est crucial. C'est que tout s'y détend : il n'y a pas de ressort dramatique, pourtant le film est un mélo splendide. C'est que aussi, contre la logique de la trame narrative (le sacro-saint scénario), c'est autre chose qui joue dans ce film. Des visages, des dessins. Ce qui joue dans ce visage, c'est Anita Mui, mauvaise actrice dont les moues prennent une dimension corporelle radicale, autour desquelles tout le film se construit : les larmes de Anita Mui, c'est tout le film qui larmoie, son sourire, etc. Ce n'est pas, bien sûr, en tant qu'elle est actrice ou jolie femme que tout cela tient. C'est en tant que motifs, purs événements qui font sens.
Pour Anita Mui
Assez surprenant de la part de Jackie Chan de produire un film comme celui çi.
Cependant le film fonctionne mieux avec la partie sur l'histoire d'amour entre Anita Mui et Leslie Cheung qu'avec cette histoire de fantome à la recherche de son amant.
A voir pour Anita Mui qui est vraiment émouvante.