Experimental 
Quasiment dépourvu de scénario,
Shuffle est avant tout un film experimental. Pas au sens où on l'entend généralement bien sûr, simplement Ishii Sogo y donne l'impression de se regarder filmer, non pas avec complaisance mais comme quelqu'un qui se teste lui même, qui cherche à se prouver qu'il est capable de faire du cinéma à partir des dessins d'Otomo, de faire ressentir cette énergie folle par le biais des seules images. Non seulement le résultat est tout à fait saisissant, mais il semble en outre qu'Ishii n'a pas convaincu que lui même puisque
Shuffle est la matrice visuelle évidente du cinéma de Tsukamoto Shinya. Il y a là, concentré sur une poignée de minutes, à peu près tout ce qui fait la force de
Tetsuo et surtout
Bullet Ballet. Dix ans avant bien sûr.
Démo sans charme
Si l'on prend
Shuffle pour ce qu'il est, difficile d'y trouver de réelles qualités. Trip expérimental par excellence par l'un des pionniers du genre, revisite plus ou moins personnelle de l'univers du manga évoquant ainsi déjà dans les grandes lignes l'univers du Tsukamoto des eighties et des mid-nineties, Ishii a ceci dit oublié d'en faire un film regardable malgré son parti pris punky ne laissant que très peu de place à la finesse, en toute logique, et son
Shuffle en pâtit énormément : deux hommes se pourchassent dans la rue, s'essoufflent, à l'image du film, et au cinéaste de mettre en avant tout un tas d'hallucinations visuelles pour combler un manque de propos. On y trouve certes les prémisses d'une société bruyante et en proie à de grands bouleversements industriels (discours à peu près tenu de la même manière par Tsukamoto dix ans plus tard) évoqués par le malaise soudain du punk en pleine course (image au ralenti, bruitages accentués, voix perturbantes se juxtaposant à d'autres), mais rien qui n'officialise pleinement les propos du cinéaste. Pire même, en dépit de son caractère brouillon et de sa caméra énergique,
Shuffle pue l'autosuffisance d'un cinéaste déjà conscient de son impact potentiel à la fois sur l'industrie du cinéma japonais, et sur la société : des riffs de guitare rappellent ceux d'Angus Young, à l'époque où un groupe comme ACDC s'exportait au Japon pour des concerts mémorables, tout comme ces faux airs de polar violent garage-band (esprit punk-rock encore une fois prononcé) et ce duel de fin au gun, rappelant ses nombreuses influences sur le cinéma à venir. Mais malgré toute cette bonne volonté,
Shuffle ne reste qu'un simple produit d'essai expérimental sans aucun intérêt pour le spectateur pas particulièrement désireux de suivre de près l'oeuvre de Ishii Sogo. De toute manière, les fans hardcore du cinéaste l'ont déjà vu.
