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Nuit et brouillard au Japon

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les avis de Cinemasie

4 critiques: 3.06/5

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13 critiques: 3.54/5



Ordell Robbie 4 Sous le brouillard la rage...
MLF 3.5
Xavier Chanoine 2.75 Virulent, visuellement remarquable, mais des longueurs
Ghost Dog 2 Avec le recul, une confrontation marxo-gaucho-coco-trotskiste bien obsolète.
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Sous le brouillard la rage...

Lorsqu’il entreprend ce film au titre hommage évident à Resnais, Oshima Nagisa est devenu avec deux succès à son actif (Contes Cruels de la jeunesse, l’Enterrement du Soleil) un grand espoir de la Shochiku. La compagnie lui commande alors de réaliser en deux mois un film concernant le mouvement étudiant. Cette année-là, Oshima vient d’assister à l’échec de l’opposition au renouvellement du Traité de Sécurité nippo-américain. Il ne ratera pas cette opportunité d’offrir sa propre critique du mouvement révolutionnaire. Trois jours après sa sortie, l’assassinat du leader socialiste Asanuma Inejiro servira de prétexte à son retrait de l’affiche par la Shochiku. Cet épisode précipitera le retrait d’Oshima de la compagnie pour fonder la sienne. Mais Nuit et Brouillard au Japon demeure néanmoins encore aujourd’hui un brûlot explosif, une œuvre unique dans l’histoire du cinéma japonais.

Totalement synchrone de l’actualité politique de son temps, la partie présente du film se déroule lors d’un mariage de deux militants juste après l’échec des manifestations contre le traité. Oshima prend ici comme cadre celui d’une cérémonie, c’est à dire quelque chose d’organisé, d’ordonné, de fait de rites. En somme un parfait révélateur d’un corps social, de ses lois, un cadre qui lui servira souvent par la suite de terreau idéal pour exprimer sa critique du Japon et des Japonais. D’autant plus que l’époux fut un militant actif du mouvement étudiant des années 50 (lié au PC) et l’épouse un militante liée à une fédération étudiante qui s’est détachée du PC. Réconciliation de deux générations militantes en apparence. Ici, le mariage est dès lors l’occasion de voir ressurgir des «fantômes» du passé qui éclaireront d’un autre œil les limites de l’action révolutionnaire dans le présent. La narration en flash backs est ainsi l’occasion de mettre en parallèle les erreurs du mouvement révolutionnaire de son temps avec celles du mouvement révolutionnaire des années 50 pour montrer qu’il n’a fait que reproduire les secondes. A cette époque, Oshima était furieux de voir le Parti Communiste Japonais s’être désolidarisé des étudiants. Il était tout aussi irrité de la mainmise du Parti Communiste sur la contestation. Les agissements des membres du PC mis en évidence dans les flash backs évoquent par leur chasse au traître, à l’impérialiste des méthodes plus proches des purges staliniennes que d’un vrai mouvement révolutionnaire. Mais lors des passages au présent cet héritage n’a pas disparu : l’assemblée traite ainsi un militant traqué par la police comme un « trotskyste » qu’elle rejette. Oshima stigmatise dès lors les échecs de deux générations.

A ces deux niveaux temporels s’ajoute celui des manifestations contre le traité. Ce troisième niveau s’ajoute à un dispositif narratif et formel qui donne à Nuit et Brouillard au Japon une pleine dimension de film sur le souvenir. Avec ses flashes et ses arrêts sur image, cette partie-là semble vouloir coller au plus près du ressenti d’effet de suspension qu’Oshima eut concernant les manifestations. Mais Oshima met en scène ce surgissement des fantomes, des souvenirs en usant pour ses allers-retours temporels de travellings ou de changements d’éclairages créant le passage entre le clair et l’obscurité. Plus qu’une simple transition, ces techniques créent une véritable interaction entre passé et présent s’ajoutant à celle de la narration. Tandis qu’au cours du film le temps passé est d’autant plus ressenti via la répétition de certains lieux, de certaines situations, de passages chantés. Et la reproduction d’un passé d’erreurs militantes d’une génération à l’autre se fait dès lors d’autant plus criarde. D’autant que la question de la frontière est au centre du film : frontière entre passé et présent bien sur mais aussi frontière séparant ceux qui sont dans la ligne du parti de ceux qui n’y sont pas. Et frontière séparant ceux qui sont du coté de l’ordre (la cérémonie) de ceux qui veulent le contester (les trouble-fête). Lors de longs plans séquences, les mouvements de caméra semblent porter un regard inquisiteur sur les protagonistes tout en les enfermant dans le cadre de la cérémonie, en ne leur offrant aucun échappatoire avant que les limites du mouvement révolutionnaire soient complètement révélées, avant que chacun se soit « mis à table » dans de longs passages dialogués.

Apparu comme cinéaste durant la contestation du Traité de Sécurité, ayant très vite pensé le cinéma comme outil révolutionnaire, Oshima décortique déjà en cette année exceptionnellement créative pour lui les limites de ce en quoi il a cru. Et après Contes Cruels de la jeunesse il offre avec ce brûlot unique dans le cinéma mondial son second coup d’éclat de cette année-là.



09 septembre 2005
par Ordell Robbie


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