Vol au-dessus du lit d'une cocue
En plein renouveau du cinéma indonésien (du "bas historique" de 3 films atteint en 2001, on repasse à 14 longs en cette année 2002) le manifeste du "I-Sinema", notamment entraîné par Riri Riza et qui consiste à proposer des films commerciaux de valeur artsitique, fait encore de nouveaux émules. En témoigne ce "Titik Hitam", premier long du chef-monteur reconnu Sentot Sahid (Feuille sur un oreiller, Sherina's Adventure, Whispering Sands). En plein renouveau du cinéma d'horreur lancé par "Jelangkung" et les productions beaucoup moins glorieuses de Kharisma Starvision, Sentot entreprend sous le label "I-Sinema" de poruidre la première œuvre fantastique de "qualité". D'après un scénario de Jujur Pranato (Sherina's Adventure et surtout What about love ?), il tente de renouer avec les grands classiques du film fantastique américain des années 1950s ou – plus récemment – avec une comédie dramatique américaine comme "Ghost", qui allie à la fois le fantastique et le pur drame. Malgré une ouverture, très inspirée du "Sixième Sens" avec Heru, qui voit des morts dans le vieux grenier de la superbe propriété familiale, le surnaturel se fait plutôt rare et quasi lyrique, comme lors de cette séquence fantaisiste des deux cousins "s'envolant" ensemble dans un arbre pour symboliser leur lien étroit et le fait d'être "sur une même longueur d'onde" ou leur magnifiques retrouvailles en fin du métrage…Et c'est donc plutôt à un drame intimiste, que nous avons affaire, qui raconte les belles années d'adolescence des deux cousins dans une ancienne propriété, qui se fait lentement, mais sûrement gagner par un Jakarta en plein mutation démographique…car c'est également à une autre double-lecture qu'invite le réalisateur, en multipliant les cadrages (magnifiques) de chantiers de gratte-ciels en construction et un pays en pleine mutation sous une ère changeante.
En cela, "The black spot" se rapprocherait davantage des œuvres intimistes d'un "Autres" ou du "Pensionnat" thaïlandais, où le fantastique ne sert finalement que de petite touche fantaisiste dans un genre tout autre. Une manière, qui risque de désarçonner autant les fans du genre fantastique pur, qui risquent de s'ennuyer durant toute la partie centrale dénuée d'éléments surnaturelles et risqueront d'être déçus par le manque d'exploitation du "Sixième Sens" du héros, qui ne prend finalement toute sa mesure dans la séquence finale; tandis que les fans de romance pure risquent d'avoir maille à s'accorder sur une fin un brin attendue.
Il n'en reste pas moins une superbe œuvre touchante, qui remporte largement son pari osé de faire un cinéma à la fois commercial et intelligent, mais dont l'échec cinglant va malheureusement condamner d'autres tentatives du genre et mettre un arrêt prématuré au passage pourtant réussi de Sentot Sahid à la réalisation.
A souligner aussi l'incroyable exploit d'avoir réalisé le film en seulement 18 jours.