Allez, un petit contrepoids
Il est toujours amusant de voir de l'extérieur des fans s'agiter dès qu'ils pensent (à tort ou à raison) qu'on touche à leur dada. J'ai juste Perfect Blue, j'avoue ne pas vraiment kiffer les animes, et ce Satoshi Kon n'a pas dérogé à la règle. Par contre, je suis grand fan des films d'Aronofsky, donc pour une fois, je me présente plus comme un "extérieur" à Cinémasie plutôt qu'un fan de cinéma asiatique pur et dur. Donc quand je vois mon estimé confrère Shub' utiliser le mot "remake", je m'interroge toujours un peu plus sur cette faculté que nous avons tous à voir ce qu'on veut dans un film. J'ai assisté à la première du film à Paris, en présence de Darren Aronosfky justement. La séance de questions/réponses à la fin du film était justement très instructive sur ce sujet: si j'ai royalement omis d'évoquer
Perfect Blue, d'autres personnes ont effectivement vu beaucoup de similitudes entre
Black Swan et... plusieurs autres films. Un film sur la danse, ainsi qu'un autre long métrage. Le réalisateur a reconnu des points connus entre son film et les oeuvres citées, mais en expliquant très simplement que lorsqu'on aborde certains sujets, on va invariablement trouver des aspects communs. D'où cette impression que chaque fan a tendance à voir son sujet de prédilection comme une source d'influence primordiale. Si
Perfect Blue et
Black Swan partagent incontestablement des aspects, si Aronosfky a pu être influencé par Satoshi Kon (on peut avoir pire goût...), j'imagine que l'évocation de la grande influence du film du réalisateur japonais sur son dernier opus le ferait peut-être autant sourire que les autres influences trouvées par les cinéphiles du monde entier.
Ensuite puisqu'il nous est donné l'occasion de parler de
Black Swan sur Cinemasie, profitons en: le film s'inscrit dans la droite ligne des précédentes réalisations du cinéaste New Yorkais, il colle toujours à la peau des acteurs, avec ses cadres ultra serrés à la
The Fountain et sa caméra à l'épaule à la
Wrestler. Jamais Aronosfky ne quitte une Nathalie Portman parfois à la limite du surjeu (mais le film joue volontairement beaucoup la carte de la dichotomie du personnage principal), mais qui resplendit la plupart du temps. Le film reste souvent très froid, oppressant sûrement, mais avec une rigueur et une efficacité redoutable. Et il laisse, comme toujours avec ce réalisateur, une grande place à l'interprétation: est-ce une descente aux enfers, ou au contraire un parcours initiatique ? La plus grande qualité du film reste finalement de ne pas y répondre (tout comme
The Fountain) mais de laisser le spectateur décider par lui-meme. Même si certains y verront parfois des influences qui ne sont pas forcément si importantes ;)
Cygne distinctif ?
Rhoooo, ce clin d’œil ! La paupière gauche s’en va s’écraser sur le bas de l’orbite et rlan ! Ca doit faire mal. Il est impossible de ne pas remarquer le bleu qu’engendre cette blessure, un bleu parfait qui renvoie à l’anime Perfect Blue de l’ami Satoshi Kon, récemment disparu. Aronofsky, lui, s’en défend et dit que "non, pas du tout, ça n’a rien à voir avec Perfect Blue" (PB). Il a raison de nier parce que sur IMDb on peut lire que la scène de la baignoire de Requiem For a Dream, déjà inspirée plan par plan d’une scène de la bête, lui coûta la modique somme de 60000$.
En vrac et sans trahir l’un ou l’autre des films voici quelques points communs relevés par chez moi : les photos/dessins de la frêle héroïne collées contre le mur qui s'animent soudainement, Mima dans PB qui devient Nina dans BS (pourtant Alexandria dans le scénario original !), la mère possessive, la crise identitaire dans le métro – déjà joliment recyclée dans le français « L’autre » avec Dominique Blanc - , les reflets contraires dans les miroirs etc, jusqu’à une conclusion faire d’un fondu enchaîné au blanc avec une foule en délire criant « Nina, Nina ! » en lieu et place de « Mima, Mima ! ». Arrêtons-nous là pour l’énumération d’une évidence à ce point évidente qu’elle en dévient d’une évidence évidente (c’est clair).
Très beau dessin de "Lucyola" quant au rapprochement des deux films (aloycul.tumblr.com).
Au-delà ? Black Swan est un bon film, sans nul doute, que pour ma part j’ai trouvé un peu froid. J’ai eu du mal à entrer dans cette histoire à cause justement de Perfect Blue, film auquel je ne pouvais m’empêcher de penser sans arrêt. Je me marrais beaucoup (il y a beaucoup d’humour noir dans Black Swan, non ?) et me posais plein de questions d'ordre ludiques. Donc distantes.
Le twist est-il le même ? Le crescendo va t’il être aussi bien rendu ? Que va t’il ajouter de plus au schmilblick le père Darren ? Pas grand chose et c’est bien là où le bât blesse, parce que pour qui a vu cet animé mais aussi d’autres pelloches auxquelles on peut aisément penser, comme Showgirls et Mulholland Drive pour cette rivalité qui entraîne une jalousie maladive, Cabal avec cette visite trashouille à l'hosto ou même un X-Men 3 auquel on pense avec des FX qui se sentent "pousser des ailes", on peine à attribuer à ce beau film une identité propre, une âme pleine. Le thriller ? Conscient de flirter étroitement avec l’anime de notre célèbre agent paranoïaque, Aronofsky rejette cette approche au profit du portrait d’une danseuse naïve désespérément en quête de son côté obscur pour mieux perfectionner son rôle. Le portrait ? Fort, mais on peut regretter une évolution du personnage un peu foutraque et quelques ellipses ou rebondissements hasardeux. Alors quoi ? Alors le thème de la douleur, nécessaire pour aboutir à la perfection - mais Le Prestige de Nolan est déjà passé par là -, et la forme, virtuose. Mais pas la musique puisque je suis plutôt hermétique au Lac des cygnes, aussi commun qu'une Lettre à Elise. Ô toi, domaine public, quand tu nous tiens !
On appréciera la présence de Winona Rider, encore un clin d’œil violent – de l’œil droit cette fois, ménageons le gauche –, au trio Portman/Rider/Knightley avec les deux dernières qui se font paraît-il régulièrement griller aux castings par la première au motif que ces trois là jouent dans la même catégorie de « brunette fragile au visage enfantin ». La présence de l'ex de Jack Sparrow ici, ainsi que son rôle, sont d’un cynisme franchement excessif, mais, avouons-le, clairvoyant quant à une certaine réalité hollywoodienne. Pour mieux affronter le réel, concevons-le pleinement.
Après le Inception de Nolan, voilà un nouvel hommage à un vrai génie du cinéma ; non pas une reconnaissance tardive mais bien un « signe » que les plus grands réalisateurs hollywoodiens actuellement en activité lui doivent vraiment – vraiment – beaucoup. Avec sa filmographie pourtant quantitativement légère, le réalisateur de Millenium Actress n’a pas fini de faire parler de lui.
Le cul de Nathalie Portman.
Black Swan, c'est Aronofsky qui veut faire son Old Boy. Je déconne... Je sais pas, c'est le fait de regarder trop de confessions intimes à la télé qui fait que la souffrance du schizophrène en direct et sans analyse et le glauque gratuit ont le vent en poupe ? Pourtant, J'ai une certaine affection pour les danseuses et Le lac des cygnes mais là... Ce fut un calvaire. Aronofsky touche au sommet de son "art", faire du misérabilisme comme un gros voyeur pas fin en envoyant valdinguer toute notion de subtilité au profit de l'effet dégueulasse seul, infligeant au spectateur la même souffrance gratuite en boucle. Réussir à ne pas me faire aimer (je ne peux pas la détester) Natalie Portman et à rendre Mila Kunis aussi quelconque est un véritable exploit, indéniable. Vincent Cassel est le seul personnage plus sympathique, c'est dire le niveau de turpitudes intérieures de Natalie et sa mère, duo glauquissime tellement caricatural et déjà vu en mieux qu'il ne reste plus aucune sympathie pour cette pauvre danseuse. Natalie est aussi sensuelle qu'une baguette de pain, et évidemment, n'a rien d'une danseuse professionnelle.
Ce n'est pas juste le scénario prévisible dès le premier quart d'heure, mais surtout le fait d'être pris pour un simple voyeur sadique qui est le pire. Aronofsky pense surement que le trip malsain, c'est l'ultime subtilité des sentiments... Au final, la musique emporte seule les quelques scènes censées climax. Ridicule. Aronofsky ne cesse de monter en régime dans la prétention et le pompage vulgaire de Perfect Blue jusqu'à finir par s'applaudir lui-même faisant jaillir son nom de la lumière blanche du paradis sous un tonnerre d'applaudissements... Infernal. J'ai été réellement gêné pour les acteurs.
Je pense donc que le seul moyen de survivre à ce film, c'est de se mettre dans la peau de Vincent pour sentir un peu le plaisir de faire chier ses pouffiasses et les niquer la seconde d'après. Oui, je sais c'est vulgaire, mais c'est exactement ça tout le long.