Certains points difficilement appréhendables, mais une histoire parallèle très intéressante
Débutant sur une scéne dans laquelle un docteur pratique une césarienne sur une lycéenne dans une clinique clandestine, A Blind River frappe haut d'entrée. On assiste ainsi à une scène traumatisante, où la jeune fille, avant d'être endormie, se met à paniquer et fait une crise. S'ensuit un cassure totale, avec une scène montrant un homme manifestement asiatique, mais qui se met rapidement à parler en anglais, et discutant avec un Coréen sur des informations relatives à ses parents biologiques. La encore, la scène devient intense lorsque l'adopté s'indigne de l'impossibilité d'avoir des informations sur ses parents. Enfin, aurait dû devenir intense si finalement, on était moins partagé entre les deux avis qui se rencontrent. On sent que le réalisateur a pris parti pour l'adopté, mais malheureusement pour lui, son interlocuteur marque quand même un point important : la protection de l'information est primordiale si elle pouvait causer du tort à la famille. Enfin bref, cette scène, qui finalement n'a pas l'effet escompté, est assez emblématique de la suite des événements. Alors que Lucas recherche sa mère, et qu'il la retrouve, le réalisateur se met à partir dans des délires mettant en scène la femme en question, la mère de celle-ci, et l'adopté. Et voilà qu'il enchaîne les métaphores et autres figures de style qui donnent presque l'impression de voir du Kim Ki-duk dans ses mauvais jours (entre autres un complexe d'oedipe aussi fin qu'une station ISS dans un ver de saké, avec en prime une scène toride dans laquelle le jeune homme a manifestement la ferme intention de retourner dans le ventre de sa mère). Sans compter qu'il lui a emprunté pour le coup son actrice phare, Ji-a, qui jouait la folle dans The Coast Guard, et qui reprend du grade dans le rôle de la folle pour A Blind River. Et donc, on a l'impression de revoir la même folle, en un peu plus âgée.
Mais si ces délires mentaux passent difficilement, l'histoire parallèle est quant à elle très bien menée. Absolument aucun chichi dans le scénario, ici c'est une jeune lycéenne enceinte qui cherche à se débarasser de son gros ventre. Pour cela elle part dans une autre ville, probablement pour ne pas subir la désapprobation de ses proches. Mais ses ennuis sociaux ne s'arrêtent pas là. On sent parfaitement que son petit problème d'aérophagie du ventre ne passe pas inaperçu (même si elle essaie de le dissimuler, assez maladroitement), surtout via le responsable d'hôtel et la pharmacienne, montrant bien les gros problèmes qui sont liés au fait d'être une mère célibataire en Corée, l'âge n'ayant manifestement aucune importance au regard des autres qui la classent la catégorie des parias plutôt que des victimes (à rappeler que l'avortement est illégal en Corée, sauf en cas de danger pour la mère), et au final peu de solution s'offrent à elle. D'ailleurs, au cours de ses déboires, elles va finir par envisager les trois majeures (l'avortement clandestin, le suicide et l'abandon).
Les deux histoires sont évidemment mises en parallèle pour leurs coincidences, même s'il n'est pas très important de se demander si l'une est la suite de l'autre, ce genre de problèmes arrivant particulièrement souvent (surtout à la fin des années 70). Par contre, la fin est plutôt intelligente, puisque, d'un coté, elle se démarque du style Kim Ki-duk dont je parle plus haut, mais aussi pour sa volonté de résoudre les problèmes, de donner des solutions, ou simplement pour dire qu'il est possible de s'en sortir. Ca apporte un certain vent frais à un cinéma coréen qui a tendance à s'engouffrer dans le glauque dès que sonne l'heure d'en finir.
Enfin, Park Sang-hoon, qui joue le rôle de l'adopté (et interprète la chanson de clotûre, qu'il a lui-même écrite) ne montre pas un jeu excellent ; par contre, sa collègue Kim Yeri, qui tient le rôle difficile de la lycéenne enceinte, s'en sort admirablement, utilisant son jeu toujours très sobre pour faire passer des émotions fortes.
Un film très inégal, mais apportant un bon lot de bonne volonté. A voir, notamment pour Kim Yeri et son interprétation poignante.