La post nouvelle vague par Kurosawa
On sait que Kurosawa aime les exposés. Et Kandagawa, première oeuvre pinku du cinéaste ne déroge pas à la règle, malgré qu'il n'est pas grand chose à raconter. Face à un immeuble où vit un bachelier en pleine relation incestueuse avec sa mère, vivent deux jeunes étudiantes, très bêtes et blasées de baiser avec un salaryman peu bandant. Voyeuses, les deux coquines observent le spectacle aux jumelles. Sur le mur de l'appartement du bachelier, des titres de films inscrits de partout envahissent l'espace. Ces titres, ce sont en pagaille tous les films de Godard, Chabrol, Hitchcock et bien d'autre encore, mélangés à quelques mots échappés de chez Deleuze sans trop savoir ni comment ni pourquoi. Outrées par les relations du fils et de la mère, les étudiantes décident alors d'attaquer l'appartement d'en face pour délivrer l'étudiant de cet interdit qui les met en transe. Là succession de scènes entre n'importe quoi et morceaux de bravoure ridicule et minimale.
Dans ce remake délirant et cul de Fenêtre sur cour, Kurosawa ne prend rien au sérieux. Faux et vrai film érotique, tout y est un prétexte à y exposer déjà son goût pour l'absurde, des situations d'un non-sens incroyable, et des gestuelles déconnectées de la réalité. Drôle et improbable, Kandagawa montre dès la première oeuvre de Kurosawa toute sa parenté, sa généalogie à la Nouvelle Vague. Sa préoccupation du système, de la théorie. Ici tout explose, rien n'est jamais sérieux dans ce film d'exploitation. Cet objet érotique mais jamais érotisant où Kurosawa se moque pas mal des sens, préférant sans cesse privilégier l'expérience des situations et surtout du geste. Pour prendre des poses façon Anna Karina, tenter des cadres à partir de motifs hétérogènes tendance JLG. Mais un JLG du pauvre, du ridicule, bien mal hérité dans un système que pourtant Kurosawa fait exploser. Pour un peu de poésie débile, de situations pas croyables. Kandagawa n'est certes pas inoubliable et pourtant on y voit déjà un style. Le genre d’œuvre qu'on voudrait cacher mais qu'il faut que tout le monde puisse voir un jour. Parce qu'il est le genre de petit objet où dans la pauvreté des limites qu'impose le genre, il y résiste suffisamment d'idées pour lui donner une saveur singulière devenant synonyme d'ingéniosité. Petit film fauché, Kandagawa est le prototype du film d'étudiant en cinéma, une sorte d’œuvre à l'image des premiers De Palma, en moins sérieux, plus con, plus cul, et beaucoup plus drôle.