Passable et convenu. Mais rien de bien grave
Premier film du légendaire faiseur de série B Suzuki Seijun, La victoire est à nous..., est à l'image de beaucoup de metteurs en scène débutants, un film pas forcément majeur et surtout rapidement oubliable en dépit de ses "quelques" qualités de cinéma pourtant pas si géniales. Que l'on soit clair, le "style" du cinéaste que l'on connaît depuis 1963 (pourtant déjà perceptible au début des sixties, sans être aussi démonstratif) est aux abonnés absents, un sentiment appuyé par la désagréable absence du format scope au profit d'un matériel plein écran plus économique. Le problème est que l'on s'ennuie vraiment lorsque Suzuki ne s'aventure pas dans les méandres du plan qui tue et de la couleur qui brûle la rétine, il faudra attendre quelques petites années. Evoquons alors le scénario, léger comme une brise d'automne tandis que le soleil décline dans son solstice d'été. Pour faire simple, il est question de jeux, de magouilles et de victoires arrangées entre une bande de yakuza et un jockey particulièrement dans la mouise. De plus -et la touche mélo qui va à ravir à l'ensemble- il y a une femme entre tout ça, et si le jockey ne se vautre pas à la prochaine course, il peut faire une croix sur elle. Triste et perdu, il s'en remet à son frère marin, bien décidé à arranger les choses.
Zorro n'est pas arrivé, mais la la touche héroïque est bien omniprésente. On reconnaît alors la touche "gentleman" et "classe" des personnages peuplant cet univers gentiment sucré, digne de la période "belles gueules" des sixties avec Kobayashi Akira et Shishido Jo en tête (ce dernier culminera en haut du classement des gueules inoubliables du cinéma de Suzuki). Pourtant, la magie ne fonctionne pas et l'ensemble paraît si inoffensif qu'il désert l'entreprise de Suzuki. Il y a bien les inénarrables chants d'un gentleman supra classe lorsque Suzuki filme ses séquences de bar (vous savez, la voix nasillarde et alta d'un homme dans un costard impeccable), les quelques bagarres bien mal simulées ou les éternelles séquences de chantage pour captiver l'attention du spectateur, mais l'ensemble tombe souvent à l'eau ou comme un cheveux dans la soupe. Dommage. S'étirant sur plus d'une heure, l'entreprise s'arrête en temps et en heure tellement le spectacle est sans surprise. Mais cet essai à moitié transformé ne ternit en rien l'image d'un cinéaste régulier et créatif.
Quelques mots de Suzuki :
"Mon premier film. Il y a forcément eu des moments tendus sur le plateau, bien que je n'ai pas souvenir d'avoir vraiment souffert pour mes premières armes. Mais il est sûr que lorsqu'on veut accomplir quelque chose selon sa propre volonté, cela entraîne une certaine souffrance. La Nikkatsu me faisait sans cesse des reproches, mais je n'en comprenais pas la teneur. En tout cas, je passais de sales quarts d'heure, mais sans savoir pourquoi....Le réalisateur Tasaka Tomotaka avait été désigné superviseur de plateau pour mon film. Après avoir vérifié les rushs, il m'a confié gentiment qu'il ne se mêlait jamais des affaires d'un autre réalisateur." ©Propos recueillis par Isoda Tsutomu.