Homme-Femme : Mode d'emploi
Malgré l'autorisation officielle des autorités chinoises d'accepter le changement de sexe et de changer même l'identité sur papier des opérés, le sujet reste encore un sujet tabou en Chine et le documentaire n'a pu se tourner que dans des conditions extrêmement difficiles et interdit de diffusion dans son propre pays.
L'initiative du photographe et artiste Fei Ling est donc honorable dans une démarche de rendre compte d'un aspect majoritairement positif dans son pays et de contribuer quelque part au désamorçage d'un tabou, qui - à force d'en parler et de le banaliser - ne le sera peut-être plus dans un proche avenir.
Positif également le fait d'avoir suivi trois personnages radicalement opposés dans leur démarche : Chen Lan a sauté le pas pour s'assumer totalement en tant qu'homme. Accepté par sa famille et par ses amis, il s'agit là de la plus belle reconversion des trois destins. a l'opposé, Jia Yu aimerait devenir une femme, mais malgré toutes les apparences et sa conviction, il n'arrive à passer le dernier cap et de se soumettre à l'opération concernant son sexe. Lan Yi est un quinquagénaire, qui n'a osé assumer sa féminité que sur le tard. Rejeté par tous les siens, il vit désormais reclus dans un petit appartement. PErsuadé qu'un jour un membre de sa famille se décide à venir lui rendre visite, il n'ose s'habiller en femme pour ne pas trop choquer son interlocuteur - malgré son apparition. Son seul destin prouve tout le tragique de sa situation.
Documentaire courageux, la langue de bois est pourtant mise et Fei Ling n'ose pousser ses instigations trop loin au risque de heurter les bonnes mœurs ou de s'exposer lui-même à quelque réprimande du gouvernement. Trop de paroles restent donc à la surface, notamment en ce qui concerne les témoignages ampoulés des quelques proches interrogés dans l'entourage ou le discours des médecins, purement rhétoriques et démagos. Peut-être est-ce également le manque d'une véritable implication émotionnelle de la part de l'auteur, qui semble n'avoir porté le choix de son sujet que par pure curiosité personnelle à satisfaire et peut-être éveiller l'attention du monde occidental à ses propres fins. en tout cas, il plane sur le documentaire un petit quelque chose d'inabouti, qui ne peut remporter la totale adhésion - surtout depuis le tournage de reportages similaires tournés aux quatre coins du monde et s'emparant bien mieux de la problématique.