Si Kitano et Tsukamoto s'en inspireront, l'ensemble n'est pas très inspiré...
Même en tant que bon Suzuki mineur, Million dollars boys contient l'essentiel d'un cinéma divertissant à défaut d'être très souvent abouti. Pour le cinéaste c'est aussi l'occasion de louer à nouveau les services d'un de ses acteurs fétiches, le jeune et amusant Wada Koji que l'on découvrait chez Suzuki dans Guerre de voyous un an plus tôt. Ici il campe le rôle d'un jeune paumé (Kinji) dont le projet est de devenir boxeur professionnel tandis que son meilleur ami rejoint les rangs d'un groupe de yakuza. Leur destinée les mènera tout deux à l'argent et à son pouvoir hypnotique bien que leurs activités soient à l'opposé. Tandis que Kinji colle des affiches publicitaires ventant les mérites d'un tournois de boxe, son ami le dissuade de perdre son temps avec ce "sous métier" et fait tout en son pouvoir pour l'engrainer comme il se doit. Mais c'est sans compter toute l'abnégation du jeune homme, bien décidé à faire parler les gants malgré son amateurisme. A Suzuki alors de proposer un récit très classique, à savoir les efforts d'un jeune homme bien décidé de laisser son ancienne vie de côté et de monter sur le podium de meilleur boxeur national. La parenté de l'oeuvre avec Kids Return de Kitano est donc évidente, puisque ce dernier empruntera la trame de départ de Suzuki (à savoir deux amis qui choisissent deux camps différents, l'un la boxe, l'autre la mafia). L'hommage de Tsukamoto pour son Tokyo Fist est aussi très probable, puisque Kinji vente les mérites de son "gauche", telle une arme meurtrière.
Mais là où Kitano ne se jouait pas des codes du film social, Suzuki les détournent pour se démarquer du simple film de "commande", ventant les mérites d'un sport. Ici, il décrédibilise même ses personnages jusqu'à les pousser à faire de sacrées gaffes, comme cette urne cérémoniale contenant les cendres de son meilleur ami, laissée à l'abandon dans un train par Kinji. Il est amusant aussi de noter la férocité de certaines femmes, comme celle amoureuse de Kinji, complètement dingue et pot de colle à l'occasion. En revanche, ne cherchons pas de fulgurances formelles, il n'y en aura pas, sans pour autant desservir réellement le film de Suzuki. Mais son classicisme pur, son manque évident de surprise et sa mise en scène plutôt molle lors des séquences de combat l'empêchent de se hisser parmi les meilleurs Suzuki et ce malgré la bonne humeur d'ensemble et les thèmes chers du cinéastes une nouvelles fois présentés ici : cabarets, musiques des sixties et alcool. Une fête, qui aurait pu être plus arrosée que cela.
Quelques mots de Suzuki :
"Je trouve ce film très bien. Les hasards du tournage ont fait que le couple Kaneko Nobuo et Watanabe Misako fut bien plus captivant que le héros lui-même. Ils avaient pris à coeur leur rôle de gérant de salle de sport. Faire un film de voxe, c'est un véritable parcours du combattant. Cela exige d'abord de recruter énormément de figurants pour remplir de foule les quatre coins du ring. Un critique a voulu voir dans ce film un message d'amertume et de désespoir des mouvements politiques étudiants de l'époque (les années soixante). C'est la façon de voir de la critique, comme souvent. Le plublic, lui, ne voit pas les choses de cette façon". © Propos recueillis par Isoda Tsutomu