Film machiste, La Promesse de la chair? Trompeur plutôt, violent assurément, poésie de l'amour écrite avec un sens décalé d'une redoutable efficacité, tirant le film vers des sommets pop outrageux et débridés. S'il pouvait démarrer comme un documentaire avec ces plans larges d'un train et ces gratte-ciels embrumés filmés à distance comme pour décrire une situation sans pour autant y donner un avis subjectif, l'oeuvre de Kim Ki-Young préférera abandonner le documentaire au profit d'un style affiché façon film de genre dans une première partie avant de verser dans le mélo compliqué un peu brouillon par la suite. C'est vraiment le gros problème du cinéaste, l'approche de son oeuvre est certes passionnante à plus d'un titre, mais son côté brouillon, envolé comme parfois délirant laisse un arrière goût d'incompréhension totale face à ce qui se passe. La faute? Un montage souvent chaotique, ne séparant pas suffisamment bien les transitions entre le passé et le présent, plusieurs visions sont logiquement nécessaires pour espérer comprendre les déboires de Sook-Young, jeune femme en liberté conditionnelle qui retrouve deux ans plus tard un homme qu'elle rencontra à bord d'un train. On évoquait le côté résolument machiste du film, dans La Promesse de la chair, l'homme est montré sous un jour pas très noble, cherchant durant l'intégralité du film à faire l'amour coûte que coûte à une femme qui désire justement s'en passer : contraste entre la femme courageuse mais soumise malgré elle et l'homme "fort" mais impuissant face au refus de cette dernière.
L'explosion des sentiments des personnages permet au cinéaste d'envisager une partie formelle pleine d'audace un peu brouillonne : le premier quart d'heure est d'une vraie virtuosité foutraque où les couleurs, les textures et les sons fusionnent pour un résultat radical, surboosté par une musique pop-rock sixties entêtante plus tranchante que celle qu'on entendait dans les classiques pop de la Nikkatsu ou de la Toei. Son utilisation peut en revanche prêter à l'agacement puisqu'on croirait entendre un 35 tours tourner sans cesse, mais sa variété est notable : enragée lorsque l'action à l'écran prime sur les sentiments, plus douce et mélancolique lorsque Sook-Young se plaint de son destin. La mise en scène de Kim Ki-Young est parfois très heurtée, le cinéaste n'hésitant pas à multiplier les effets de style qu'on voyait -ou que l'on verra- chez Fukasaku avec des mouvements de caméra renversés et des téléobjectifs arrières assommants hissant La Promesse de la chair au rang d'oeuvre acharnée, épuisante parce que bruyante et désagréable, mais elle vaut le coup d'oeil notamment pour une dernière partie dans un train "fantôme" proche d'un vrai film d'épouvante. Ce n'est ni l'interprétation outrancière ni la narration chaotique usant un peu de trop de la voix off qui peuvent retenir le spectateur un tantinet curieux, cette belle aventure tragique d'amoureux malgré tout vous embarquera à bord de ses wagons terrifiants.