Certes nous n’avions pas besoin de Ichikawa Kon pour nous montrer les dangers de l’océan et de l’épuisement qu’il peut procurer chez l’humain qui tente de s’y aventurer pour quitter les contraintes et le bruit de son pays, mais qu’il aurait été dommage de se priver d’une telle odyssée surtout lorsqu’elle est menée par une telle équipe. Les bandes-annonces d’époque ne se trompaient pas en ventant l’excellence de l’équipe technique à coup d’écriteaux ravageurs, quoi de mieux néanmoins pour vendre sa came qui, heureusement, ne trompe pas son acquéreur : belle photo de Yamazaki Yoshihiro, superbe score signé en partie par Takemitsu Toru, montage de Tsujii Masanori suffisamment nerveux pour créer la panique au sein du bateau et une interprétation parfaitement juste de Ishihara Yujiro en étudiant désireux de tout plaquer pour larguer les amarres, seul, sur son minuscule bateau alourdi par tout un tas de provisions et d’outils en cas de besoin. Adapté de l’histoire personnelle de Horie Kenichi, Ichikawa Kon a beau se préoccuper de l’entourage du jeune matelot à coup de flash-back éparpillés sur la première demi-heure, il ne reste pas moins focalisé sur les efforts du gaillard le temps d’une traversée du Pacifique en 94 jours. Un moment inoubliable pour ce dernier qui aura tout vu : inondation, tempête imprévue, requin taquin, vitres brisées laissant passer des litres d’eau, eau plus potable l’obligeant à cuire son riz à la bière, hallucinations dues à la solitude et plus encore. Une autre « Condition de l’homme » vue à travers les yeux de l’océan, seul « compagnon » du matelot parti en direction de San Francisco, sans passeport et à l’anglais maladroit.
Seul sur l’océan Pacifique est pourtant un film extrêmement riche de par ses thématiques abordées et l’extrême soin apporté à son enrobage. Les flash-back nous expliquent pourquoi Kenichi a voulu tout plaquer, tout comme la crainte des membres de sa famille à propos de cette aventure qu’ils jugent inutile : son père souhaite qu’il poursuive ses études tandis que sa mère est effrayée par ce qui l'attend là-bas. Lui-même confiera qu’il se fera arrêter en centre de détention, n’ayant pas de passeport. Mais il s’en fiche, selon lui c’est toujours mieux que la prison. Et pour imager le ras-le-bol de Kenichi envers la société, Ichikawa Kon expose lors des retours en arrière un Japon bruyant, opaque, presque invivable. Une décharge féroce de la part d’un cinéaste tout de même concerné par les mutations de la société nippone à l’image d’un Teshigahara Hiroshi. Formellement le film est aussi une grande réussite. Les séquences tournées dans l’habitacle du navire font preuve d’une belle gestion de l’espace et de la lumière, les cadrages en trois niveaux (visage, intérieur, plan-large) permettent au film de garder un certain souffle et empêchent le spectateur de s’ennuyer, le montage sait se faire doux, de facture classique ou expérimental notamment lors d’une superbe séquence où Kenichi dresse la liste de toutes ses fournitures à emporter, lues une par une sur une feuille qui défile à gauche de l’écran tout en montrant ce dernier à l’œuvre à droite de l’écran, et l’audace de la photographie permet quelques beaux moments mystiques comme ce décor vide à la blancheur clinique terminant les débats par sa douce ironie. Enfin, la musique composée par le binôme Akutagawa Yasushi/Takemitsu Toru mêle adroitement charge héroïque digne d’un western et sonorités inquiétantes typiques du compositeur de La Femme des sables lors des passages moins optimistes. Au final Ichikawa Kon aura réalisé avec Seul sur l’océan Pacifique une oeuvre presque unique dans son impressionnante filmographie. Et face à une telle vision pessimiste de la société japonaise, encore heureux que le cinéaste n’ai pas pris lui aussi ses valises pour un exil définitif. A noter que le film concourrait en 1963 pour la Palme d’Or au Festival de Cannes tandis que Teshigahara Hiroshi recevait le Prix du Jury.
Personnage sans intérêt , réalisation paresseuse (aucune idée pour un film - un type, un bateau, un océan - qui exige de l'inventivité) ; ennui profond.