Drogues dures pour filles douces
Si Chatrichalerm Yukol peut user de son affiliation avec la famille royale, il en fait grand usage. Et signe dans la seconde partie des années 1990 – à une époque où le cinéma thaïlandais touchait le fond avec seulement une poignée de métrages tournés par an et quasi entièrement consacré à des films pop de djeunz – deux drames ultra-réalistes. C'est bien simple: "Daughter" inclut plus de scènes de drogues, sexe, viols (incestueux) et automutilations que l'entière filmographie du pays du sourire n'ait pu compter depuis la naissance du cinématographe.
Sur fond de vrais et de faux témoignages de personnes et de documents d'archives (souvent reconstitués), il dépeint la descente aux enfers de quatre filles fuyant leur enfer familial (violence, abus sexuel, etc.). Sniffant tout d'abord que de al colle, elles se mettent à prendre des drogues de plus en plus dures. N'évitant pas toujours les clichés et une grandiloquence dramatique de plus en plus appuyée, le film a surtout pour mérite des vérités largement taboues: en effet, il est absolument interdit de montrer ce versant sombre au cinéma.
En même temps, Yukol ne sombre pas dans une bluette dramatique moralisatrice, mais réussit à créer des nombreuses scènes franchement poignantes et à la limite du soutenable. Seule la fin (ouverte) un peu facile et trop optimiste laisse un léger goût d'inachevé – ou plutôt du sur-ajouté pour ménager quelques esprits trop conservateurs dans son pays. Mais rien que le plan d'une jeune fille en manque, enchaînée au grillage du balcon d'un haut immeuble populaire avec vue sur Bangkok restera comme l'une des plus éloquentes images du cinéma thaïlandais des dernières décennies. Et de saluer l'incroyable prestation de l'ensemble du casting, plus convaincant les uns que les autres et conférant au film une vérité quasi documentaire.
