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Un Soir après la guerre
les avis de Cinemasie
1 critiques: 4.5/5
vos avis
1 critiques: 4.25/5
Un film superbe mais pessimiste sur un pays ruiné par la guerre civile
Rithy Panh en est à son deuxième film. Lui qui a connu étant jeune les atrocités commises par le régime de Pol Pot, qui a perdu une grande partie de sa famille dans des exactions perpetrées par les Khmers Rouges (ses compatriotes!), a décidé de choisir la voie du cinéma pour ne pas que ses horreurs tombent dans l'oubli général, mais aussi pour rendre vivant au reste du monde ce lourd passé que le Cambodge traîne et traînera toujours derrière lui.
Après le très documentaire et réaliste Les gens de la Rizière, il préfère cette fois-ci raconter une histoire d'amour passionnée, improbable dans ces conditions, et tragique. Durant près de 2 heures, on va suivre les 2 personnages principaux à travers ce pays moralement et physiquement à l'agonie bien que l'on puisse espérer des jours meilleurs maintenant que la guerre est finie. Savannah et Srey Poeuv (jolis prénoms) se rencontrent dans un dancing, et sur une musique locale entraînante, tombent progressivement amoureux l'un de l'autre pour ne plus se séparer. Leur histoire d'amour est crédible pour le spectateur, grâce en grande partie à la plastique et au talent du couple d'acteurs. On vibre avec eux durant les péripéties que leur amour provoque (comme par exemple un mac possessif), on veut croire à leur bonheur et on pleure à la fin.
Rassurez-vous, ce film est loin d'être mièvre et cucul-la-praline, mais il est volontairement romantique pour contraster avec le monde extérieur; tout juste un peu de complaisance dans la misère, qui n'entâche en rien ses qualités. Mais surtout, le film est habité par la grâce, chose assez rare au cinéma, notamment dans 2 scènes somptueuses: celle du dancing et celle du ring. Bref, inutile de vous dire que j'ai vraiment beaucoup aimé Un soir après la guerre. Si l'occasion se présente, laissez-vous gagner par la curiosité!
Poussières de vie
A la vision d'un film comme "Un soir après la guerre", il faut être conscient de l'incroyable pari artistique que représente déjà le tournage d'un tel film.
En 1998, l'état cinématographique cambodgien est encore totalement dévasté. Il n'y a aucun long-métrage à se tourner, les écrans sont très, très, très rares (la séquence tournée à l'intérieur d'un cinéma avec projection d'un vieux film cambodgien tient quasiment du miracle) et – surtout – il n'y a aucune main-d'œuvre suffisamment formée, ni les infrastructures nécessaires à la réalisation d'un long-métrage cinématographique. De même que pour les acteurs, à peine formés dans quelques écoles pas très efficaces ou sur des rares planches de théâtre ou sur des projets télé tournés en DV (mais au jeu cabotin certain). Rien que pour tout cela, "Un soir après la guerre" tient quasiment du miracle, tant Panh donne une nouvelle fois une incroyable léçon de cinéma et d'humilité avec une mise en scène parfaitement maîtrisée, des acteurs renversants et – surtout – une réflexion de tous les instants.
Dès la première séquence d'un long monologue sur fond d'images d'un train qui traverse un magnifique pays cambodgien, le spectateur ne peut qu'être captivé par la magie du film. La suite confirme heureusement cette magistrale entrée en matière avec une histoire finalement très simple d'une histoire d'amour impossible entre deux être paumés. Le postulat de départ (quand même bien moins poignant que son précédent "Les gens de la rizière") ne sert finalement à Panh que d'explorer une nouvelle fois ses propres blessures et pensées par rapport à un pays ravagé par le règne des khmers rouges. Il montre – simplement – les conséquences autant physiques que psychologiques des survivants et des paysages eux-mêmes et met en scène une pléthore de figures criantes de vérité et toutes conséquences de la folie humaine.
Le tour de force de Panh est d'avoir su combiner plus que dans toute autre de ses œuvres, commerce et art; son histoire ressemble finalement à quantité de productions américaines ou même hongkongaises, mais transcende tous ses modèles en réussissant d'insuffler cette incroyable leçon de véracité historique et d'humilité.
Un film qui m'a confirmé dans mon choix personnel de nommer régulièrement Rithy Panh comme l'un des tous meilleurs réalisateurs asiatiques en activité (et parmi mes préférés à côté de très grands nom comme Kurosawa), mais avec une note un peu moindre pour le scénario un peu trop commun; néanmoins un très, très, très grand film.
(Lire également CINEMACTION N° 128 et la future "encyclopédie des cinémas de l'Asie du Sud-Est" à paraître en octobre 2008).