Conversation (imaginaire ?) entre Wai Ka Fai et Johnnie To pendant le tournage de vengeance.
Johnnie To : Bon… Delon me claque dans les pattes et mon projet « Costello-revival » tombe à l’eau. Des français le repêchent, ils nous filent des thunes pour le faire quand-même. Mais cette fois avec leur vieux chanteur ringard là, Charlie Holiday. Je galère, aide-moi…
Wai Ka Fai : Johnny Halliday. Ecoute, on ne va pas se prendre la tête. Les fanas du vieux belgeo-suisse et le public RTL, une radio de vieux de chez les bouffeurs de calendos, n’ont sûrement pas vu nos films chinois à nous qu’on a. On va repomper nos scénars d’Exilé et The Mission, ils n’y verront que du feu.
JT : Ok…
WKF : Nos scénarios n’étaient déjà pas lourds hein... mais bon. On a un autre problème : il ne joue pas gégène le bonhomme…
JT : Hmm, oui. Là on va la faire comme ça : on l’entoure de notre bonne équipe : Antony Wong, Lam Suet et les copains. Comme ça, le vieux peroxydé aura des faire-valoir. Il existera à travers le regard des autres plus que par le sien. Sinon on ne va pas y arriver
WKW : Ok, bien vu. Mais on a un autre problème…
JT : Encore…
WKF : Oui. Les chinois.
JT : Quoi les chinois ?
WKF : Il n’arrive pas à s’en dépêtrer. Pour lui on se ressemble tous. Pendant les prises il donne la répartie à n’importe qui. Hier il a récité son texte devant le preneur de son, et pas plus tard que ce matin il a braqué le balayeur de la Milkyway avec son calibre. Comment veux-tu arriver à quoi que ce soit de bon avec un pedzouille pareil ??
JT : Eh ! On a les ronds, on fait le film, point. Et respecte-le un minimum s’il te plait, il couvre mon budget cigares sur mes deux prochains films.
WKF : Ok, ok... Attends, laisse moi réfléchir. Hmm… Je sais ! Et si on balançait que Costello s’était choppé Alzheimer ? Comme ça, pour justifier qu’il zappe tout le monde, hop, on lui colle des polaroïds dans les mains pendant le film ! Le public n’y verra que du feu.
JT : Pas bête. Ca roule, je prends. J’en ai un autre de problème : sa répartie « Is this your jacket ? ». Il la plante à chaque fois. Ca sonne faux. Pire : c’est ridicule. J’en suis à la 48ième prise, je suis crevé.
WKF : Oui, je m’en suis rendu compte, c'est pathétique. J’y ai déjà réfléchi et te propose la chose suivante : le vieux n’arrête pas de dire qu’il veut dessouder du pédé. Sylvie Testud m’a glissé qu’être « de la jaquette », en français, veut dire qu’on est pédé. On n’a qu’à lui faire croire qu’il s’apprête à zigouiller une tante ! « Es-tu de la jaquette ? », et hop, il sera content et peut-être un peu plus motivé pour son texte.
JT : Wow ! Je prends, c’est génial ! Mais tu sais, même comme ça je ne suis pas sûr que ça passe.
WKF : Ah ça, non, pas certain...
MAJ > film revu. Passé le cap Hallyday, il est tout de même très plaisant. La team HK fait joliment le job, la mise en scène n'est pas laissée pour compte, le score percute bien et on a droit à de beaux moments de ciné. Peut-être même qu'on a là le film le plus cynique de JT. Sa méthode de fonctionnement paraît quasiment décrite à l'écran.
Tous les fans du mythique réalisateur Hongkongais pouvaient légitiment se poser la question : Que pouvait bien donner un projet réunissant Johnnie To et Johnny Hallyday ? Les premiers avis ont étés majoritairement négatifs. Les doigts accusateurs se sont pointés vers le vieillissant rockeur frenchie qui n’avait jusque-là pas forcément excellé dans le domaine du cinéma. Mais détrompez-vous tout de suite ! Vengeance vaut largement le détour et bien que la présence de Hallyday était à craindre, rien ne justifie le désaveu total de cet énième mais juteux polar signé par monsieur Johnnie « Balle de Beretta » To !
Vengeance se base sur un scénario très simple, une histoire de Vengeance (sans rire …) comme on en a vu des centaines : Johnny Hallyday alias Francis Costello apprend l’assassinat tragique (et délicieusement brutal …) de sa fille (et petits enfants, et mari …) et décide de voler jusqu’à Hong Kong pour imposer sa justice. Arrivé sur place, il y rencontre un trio de tueur à gages endurcis (Anthony Wong, Lam Suet et Gordon Lam) et décide de les enrôler dans son expédition punitive. Très simple le script … mais qu’importe le script !
Le film est une preuve de plus que le réa maitrise son genre de film fétiche, à savoir le polar noir sans fioritures, tout en enchaînant les séquences décalées portant sa signature. On retrouve ainsi les scénettes digne du jeu de foot « boule de papier » et « canette » de The Mission (1999) et Exiled (2006) , toujours aussi jouissives et subtilement distillées tout au long du film. La mise en scène de Johnnie To est précise, ses cadrages rendent une fois encore hommage au cinéma de Léone avec ses acteurs qui prennent la pause, mais toujours avec élégance et classe. La référence au cinéaste Italien va même jusqu’à un clin d’œil direct à la séquence légendaire d’Il était une fois dans l’Ouest : « Maintenant qu’il a vu ton visage … Tu sais ce qu’il te reste à faire ! »
Johnnie To s’entoure d’ailleurs de comédiens qui ont fait sa réputation et la palme revient cette fois (encore une fois plutôt !) à Anthony Wong qui est saisissant dans le rôle d’un tueur à gage froid, consciencieux mais roublard et sympathique à la fois. Evidemment un cliché ! Mais du cliché de cette prestance (Catégorie 3 Superstar bonsoir !) on en redemande ! Johnny Hallyday est certes à côté de la plaque, mais toute l’intelligence de To est de faire parler un minimum sa star française, lui offrant un rôle de vengeur / poseur (le chapeau et le manteau font partie du personnage) et évite ainsi de mettre en péril son film par le jeu aléatoire de son comédien. Mais ne soyons pas élitiste, le quatuor d’acteur fonctionne à merveille et on excusera rapidement certains passages un peu hasardeux, notamment une séquence ou Hallyday prie, l’eau jusqu’au cou, et revoit les fantômes de sa « tragédie » … ridicule oui, mais un détail au vu du reste.
Enfin pour couronner ce festin cinématographique, on a même droit à une séquence finale digne des Heroic Bloodshed obscurs mais festifs des années 80 / 90 (Flaming Brothers (1987) , Rock N' Roll Cop (1994) et j’en passe et des meilleurs). Nos trois acolytes chinois « les frères » se retrouvent alors armés jusqu’aux dents et prêt à en découdre devant une armée d’homme de mains brandissant le traditionnel calibre. La suite on l’imagine aisément et le plus drôle c’est que ca se passe avec le sourire et les cabotinages de Simon Yam (hilarant en chef de guerre digne d’un Shaw Brother) incapable de se servir d’un fusil à lunette. Que demande le peuple ? Que demandent les fans nostalgiques et trop longtemps méprisés par des productions "millenium pop" et boiteuses ? La réponse est simple et efficace : Bang Bang Bang Bang Bang ! Vengeance is mine !
“Hey Jo, where you gonna' with that gun in your hand…?”
Comment ne pas penser aux lyrics du grand Jimi lorsque l’on suit les tribulations de notre Jojo national dans les rues de Macao et de Hong-Kong ? Mais au lieu d’aller flinguer sa nana, il souhaite se venger des types qui ont descendu la famille de sa fille. Par un concours de circonstances, il fera la rencontre dans un luxueux hôtel à Macao d’une bande de trois tueurs à gages menée par Kwai (génial Anthony Wong) et louera leurs services pour une montagne d’argent, une maison et un restaurant à Paris, « in Les Champs-Élysées ». Ca ne se refuse pas. A côté ça, de l’art. Vengeance n’est pas un point de bascule, ni une tentative pour Johnnie To de renouveler son cinéma malgré le fardeau que représente un tournage où, pour une fois, l’un de ses protégés n’a pas le rôle principal. Ce n’est donc ni Anthony Wong (d’une classe fabuleuse, tout en souplesse même lors d’un dernier souffle), ni Gordon Lam ou Lam Suet qui tiennent la barque. C’est Johnny, un gweilo parmi tant d’autres à Hong-Kong, qui tient le film à bras le corps, par sa prestance assez peu commune, sorte de mélange de surcharge dans la lassitude, fardeau lui-même à cause d’une mémoire vacillante à chaque choc, silhouette spectrale qui ne sait même plus ce que le terme vengeance veut dire –là aussi rien de bien commode lorsque le film pointe dans son viseur la thématique de la vengeance, émouvant même dans toute sa théâtralité lorsqu’il prie le seigneur (quel seigneur, d’ailleurs, quand on sait ce que sont devenus les membres de sa famille) ou lorsqu’il entame une partie de foot improvisée –et improbable- sur la plage avec des gamins eurasiens. L’art de la rupture ? Johnnie To la manie à merveille dans la direction de ses acteurs, chaque scène impliquant la famille d’hommes de mains recomposée (Johnny, les trois tueurs à gage) entraîne une surprise, un truc imprévisible pour le premier venu mais tout à fait convenu –et donc jouissif- pour le spectateur averti : un repas, une partie de foot, un terrain transformé en stand de tir, des rires.
Une rupture également dans toute la dimension du terme « action », si galvaudée à partir du moment où il y a un échange musclé dans une situation quelconque. Ici, plus que tout ailleurs, la rupture est dans le style. Lorsque To filme les séquences de dialogues entre les protagonistes, il le fait de manière classique (comprenons par là, en connaissant le personnage, comme dans un western avec un formidable jeu des perspectives), mais la machine se met en route lors de chaque affrontement : chorégraphies, danses, pluie de balles en forme de ballet, ralentis omniprésent pour découper l’affrontement, le sublimer, le préciser également grâce à un sens de l’espace souvent féroce. A titre d’exemple, le gun-fight au clair de lune est simplement l’une des plus belles trouvailles du polar moderne, jouant avec la lumière et la pénombre tout en précisant la position des tireurs grâce aux explosions des balles. Filmée essentiellement en travellings lattéraux, la grosse séquence d'action suivante sera filmée cette fois-ci à la verticale (un style tout en perpendicularité, bien pensé). Une mise en scène impressionnante, donc, à l’image de cet affrontement mémorable précédé d’une rupture dans la plus pure tradition de Johnnie To : Johnny et sa bande arrivent sur une aire de pique-nique où sont postés les trois tueurs responsables de la mort de sa famille. Ils approchent, le cadrage passe en mode western, la famille des vilains débarque et les enfants rigolent avec leurs papas et lancent le barbecue. Les bons montent plus haut, se positionnent, deux minute plus tard les gosses des vilains leur apportent des saucisses. Un boomerang vole dans les airs, survole Johnny et ses hommes de main. Un signe. C’est juste classe, mémorable dans le sens « on se souvient de cet objet » comme on se souviendrait de ce vélo qui avance au fur et à mesure que les balles ricochent sur sa carcasse dix minutes plus tôt.
Le cinéma de To tient à peu de choses, en dehors de sa redite évidente destinée à l’ouverture que Cannes lui a offerte sur la scène mondiale. Il tient à trois scènes, peut-être quatre, fantastiques. Il garde un vrai souffle dans le renouvellement, par contre, toujours aussi constant film après film : après les audaces –un peu ratées- de Mad Detective, To utilise la thématique de la perte de mémoire pour donner vie à une poignée d’idées remarquables comme le jeu des timbres post-it en fin de métrage, collés sur le grand méchant de l’histoire (Simon Yam qui fait du Simon Yam, lourd, mégalo, mais jouissif) par une bande de gosses, pour que Johnny (de plus en plus amnésique) se souvienne de sa cible. Simple mais absolument ludique. Vengeance doit se déguster comme une friandise un peu trop sucrée. On connait le parfum, industriel, peut-être un peu trop, mais le plaisir est constant. On tente parfois de changer les parfums (Johnny), la surprise est parfois désagréable comme ici le comique involontaire (dans la mémoire collective, les hurlements de Johnny nous rappellent, malgré lui, la publicité Optic2000), le navrant (la prière, les fantômes de sa famille), les facilités (les motifs de l’assassinat de sa famille ? Des secrets qui auraient pu être divulgués par le mari…mouais). Mais à côté de cela, une démonstration formelle de tous les instants, un sens du rythme implacable, un personnage de Johnny touchant jusque dans sa lourdeur démonstrative affirmée à coups de gros plans sur son physique pas commode (voir la séquence d’opération douloureuse), trainant sa silhouette de Macao à Hong-Kong, entre mélancolie, perte de repères et lassitude, pour finir dans l’harmonie et la communion par le rire avec sa nouvelle famille. Restons sur cette image là.
Johnnie To est un terrible homme d'affaires, qui a tout compris aux rouages de l'industrie cinématographique…et après avoir passablement chamboulé le paysage audiovisuel hongkongais – dans une période en plein déclin, qui plus est – il s'attaque donc au marché international…Et assure le retour (fric) gagnant…au détriment de son cinéma en enchaînant les films de commande épouvantablement occidentalisés…
Le cinéma de Johnnie To est celui de la répétition. Vu l'enchaînement de ses projets (une cinquantaine de films en une vingtaine d'années de carrière) et son choix de ne quasiment plus tourner avec un scénario, mais en improvisant avec ses acteurs sur la seule base d'une idée de départ, il reprend forcément des séquences entières d'un film à l'autre…mais c'est en les tordant, en les amenant dans des nouvelles directions et puisant dans un incroyable vivier d'idées personnelles pour toujours chercher à innover…jusqu'à aboutir, parfois, à des chef-d'œuvres, à la fois largement empreints de toutes ses "répétitions" et à la fois en pleine rupture.
Les "Election" étaient des tels chef-d'oeuvres.
"Vengeance" ne l'est pas; mais il constitue tout de même un admirable film-somme de tout le cinéma de To, qui a précédé; les fusillades ressemblent étrangement à celles de ses derniers "Triangle" et "Exilés" et il a même le toupet de reprendre pour la 5e fois (!) sa fameuse séquence de parapluies dans l'une de ses productions.
A sa décharge, il faut dire, que "Vengeance" est un pur film de commande par...des français…et le festival de Cannes. Le projet s'est monté sur le soutien financier des braves gens de chez ARP, qui tentent de s'approprier le réalisateur en sortant actuellement la plupart de ses œuvres récentes (et tentant même de refourguer sa production "Filatures" comme étant de lui dans leur collection vidéo "Johnnie To"…). Ils ont donc grandement contribué à la réalisation financière, en revanche le véritable commanditaire se trouve être…les organisateurs du Festival de Cannes. Car OUI, le réalisateur chouchou des médias et des critiques internationaux a bien failli leur échapper après une malheureuse sélection de son "Election" en sélection parallèle (avec une montée des marches à minuit très mal digérée par le nabab du cinéma hongkongais) et – surtout – le tapis rouge déroulé par les autres festivals mondiaux ("Exilés" s'est retrouvé en sélection officielle de Venise, tandis que le Festival de Berlin – lui – a carrément financé le bouclage du tournage abandonné à la suite de la réalisation du film chinois "A world without thieves" trop similaire au "Sparrow" donc finalisé en 4e vitesse pour pouvoir concourir à Berlin). Oui, il leur fallait réagir et c'est désormais chose faite avec le projet "Vengeance". Un pur produit de commande, pour lequel les commanditaires ont laissé entière carte blanche, en précisant quand même de faire du "cinéma à la To", MAIS avec un certain flair occidental et un cast incluant des gueules françaises…
Comment refuser dans un tel cas…sauf que cela n'inspire pas forcément le meilleur cinéma à To, surtout en se retrouvant empêtré à devoir diriger notre héros national Johnny Halliday (après le désistement de dernière minute du premier choix de To, Alain Delon).
Johnny, aussi expressif qu'un concombre, qui passe totalement à côté de son personnage charismatique taciturne…Fallait le faire avec deux lignes de dialogue et trois regards noirs appuyés à exprimer…Faut dire aussi, que sa tronche ne l'avantage vraiment plus, la scène où il tête la bouteille de whiskey pour se donner du courage ressemblant à Donald Duck tétant une bouteille, tellement ses lèvres sont remplis de botox; mais au-delà de ses carences physiques – finalement en fonction du goût d'un chacun – c'est véritablement son mauvais jeu de comédien, qui dessert son personnage…et son film. Faut dire, que les comédiens sont rarement avantagés par les films de To, du moins du côté du manque de leur développement psychologique…Tout tient dans la FORME chez To et une fois de plus, l'ensemble des personnages du film tient sur une simple "idée" (le "gros", le méchant vraiment vilain…la mère "pondeuse"…) ou sur une répétition immédiatement identifiable par rapport à ses précédents films (les différents frères d'armes; le docteur directement repris des "Exilés", …), sauf que cette fois, la FORME fait cruellement défaut à To.
Le début du film ressemble à s'y méprendre à une production occidentale quelconque avec cette famille composée franco-chinoise (Sylvie Testud cachetonne, le frenchy Vincent Sze fait un passage dans la cour des grands), qui se fait dégommer au ralenti par un fusil au canon scié. Cette même scène sera reprise un peu plus tard lors d'un retour sur les lieux, comme dans un mauvais épisode des "Experts" ou des innombrables émissions TV tentant d'élucider d'anciens crimes.
Tout le cinéma de To tient sur l'originalité d'exploitation des scènes archi convenues…et notamment des scènes de fusillade. Ici encore, il fait preuve d'inventivité, mais pêche dans leur exécution, comme s'il n'avait eu le cœur de s'impliquer vraiment à fond dans son projet. L'affrontement au clair de lune dans une forêt, où le passage des nuages noirs devant le corps céleste empêche les tireurs de voir les cibles, mais leur permet de changer d'emplacement afin de mieux surprendre l'adversaire est d'une folle originalité, mais horriblement mal exécutée avec un découpage hasardeux, qui empêche toute bonne lecture de la scène, de savoir où se trouve les adversaires tout à fait impossibles à identifier. Le coup de théâtre incluant Johnny Hallyday au cours de la scène tombe totalement à l'eau, le spectateur n'apprenant que plus tard, pourquoi il aura agi de telle manière sur le coup.
Il en est de même pour la scène (pourtant dramatique) dans la décharge, tout à fait quelconque et de celle de l'affrontement final, tout simplement ridicule (Johnny avançant au milieu de dizaines d'hommes de main et leur échappant on ne sait par quel miracle).
Mais le ridicule est sans aucun doute atteint par cette scène de "rédemption", typiquement occidentale et totalement surajoutée et la maladresse de son exécution prouve à quel point To (et son scénariste Wai Kar Fai) ne s'y sent pas à l'aise en signant une séquence d'un ridicule à véritablement réveiller les morts…Là encore une preuve de l'occidentalisation de son œuvre.
Le seul mérite de ce film, c'est de se dire, que le réalisateur aura été l'un des très, très rares réalisateurs asiatiques, qui auront réussi à se faire déplacer les occidentaux jusqu'à lui pour continuer à faire SON cinéma, tandis que des nombreux, nombreux pairs auront tout fait pour aller VERS l'occident pour se faire dépouiller de leur propre identité (Tsui Hark et John Woo pour n'en citer que deux entre eux).
En revanche, je ne suis plus aussi sûr de vouloir savoir à quoi pourrait bien ressembler la relecture de To du "Cercle rouge" tourné en langue étrangère avec un cast largement occidental…Je préférais encore pester contre des essais ratés à la "Linger", où le réalisateur tente au moins des nouvelles choses, comme de saisir des meilleurs portraits de femme (ici encore réduites au seul emploi de bonniche, femme infidèle et mère pondeuse).
PS: Mon seul "plaisir" du film aura été la scène du pique-nique, construisant une nouvelle fois une véritable tension palpable (même si le gimmick du frisbee est de trop) et brouillant merveilleusement la piste entre le Bien et le Mal avec les trois pères de famille.
PPS: Passons également sur le discret hommage à l'un des mentors de tous réalisateur HK de polar rendu à Chang Cheh avec cette énième histoire de frères d'armes se battant jusqu'à la mort; hommage démarrant dès par le titre, mais n'arrivant même pas à la cheville du classique du grand Cheh.
Appâté par une bande annonce prometteuse, mais effrayé par la déconvenue promise par nombre de critiques assassines, c'est avec appréhension que j'ai poussé la porte de la salle de cinéma. "Vengeance" pourra-t-il atteindre le niveau de son homonyme à point d'exclamation, ou bien provoquera-t-il la même décéption que l'ennuyant "the sparrow"?
Dès la scène d'introduction, il est clair que Johnnie To n'a rien perdu de sa superbe, et manie toujours sa caméra aussi bien que ses héros manient les armes à feu. Aussi percutante que brutale, cette première scène rappelle le début de "martyrs" de Pascal Laugier, en encore plus réussi. La suite est plus surprenante. To prend son temps pour présenter son intrigue, dresser le portait de ses personnages, et établir leurs liens. Au milieu de tous ces visages familiers, l'idôle des jeunes est finalement plutôt à l'aise. Le réalisateur Hong Kongais, qui sait faire poser ses acteurs sans trop en abuser, et même presque sans en donner l'air, traite son chanteur comme un membre de son équipe, intégrant ses particularités culturelles, qui en font ici presque une icône, sans le transformer en pur étranger, contrairement à ce que ce dernier déclare au début.
"Vengeance" est un film à personnage, et en ce sens, on pourrait presque l'appeler "exiled 2". D'ailleurs les similitudes sont nombreuses, que ce soit pour le traitement des personnages ou sur le plan formel. Les fusillades y sont aussi virtuoses et originales, et l'aspect échappée entre frères de sang est presque identique. Pourtant To ne tombre jamais dans le plagiat ou l'auto citation et continue ses expérimentation visuelles. Avec un titre pareil, il est clair que le film n'a pas pour ambition de gagner un prix de meilleur scénario, et à ce titre, l'équipe est restée fidèle à ses ambitions, chose que beaucoup de critiques n'ont pas eu l'air de comprendre.
Cependant, l'histoire est bien écrite, et l'ensemble se suit avec intérêt.De façon surprenante, on peut établir des paralèle entre ce film et "mmento" de Christopher Nolan. Au delà de la reprise évidente des polaroids, qui ressemble beaucoup à un clin d'oeil d'ailleurs, les thématiques des deux films sont assez proches, mais surtout elles se complètent. Le Léonard Shelby de Memento devait à tout prix se rappeler de sa vengeance pour continuer à vivre au delà de ses troubles de la mémoire. Francis Costello doit au contraire oublier sa vengeance pour trouver le bonheur. L'arrivée à la plage et le jeu de foot avec les enfantsreprésentent parfaitement ce message, qu'une fin plus nihiliste aurait sans doute appuyé plus efficacement.
Malgré cette maîtrise évidente, "vengeance" n'est pas exempt de défauts, la plupart, pour ne pas dire tous, réunis dans une seule scène, pas totalement ratée, mais certainement pas réussie, celle de la prière sur la plage. A la limite du grand guignol, ce passage n'est sauvé que par sa durée relativement courte, et heureusement, car presque tout y est raté: de la musique (très réussie le reste du temps) à la mise en image (franchement de mauvais goût) au jeu (plus inexpressif que jamais), cette scène pourrrait faire chavirer le film, s'il était tombé dans les mains d'un réalisateur moins investi.
Ce passage regrettable justifie-t-il pour autant les déclarations du type "johnnie to ne serait même pas capable de mettre en boite une vidéo de mariage"? A mon avis non. To démontre au contraire que son approche très visuelle ne cesse de s'améliorer et qu'il est capable d'approfondir ses thématiques habituelles sans tomber dans la redondance. "Vengeance" ne mérite sans doute pas une palme, mais reste un très bon film, bourré de qualités et qui vient rassurer le fan déçu ar "the sparrow".
A la fin de la séance, les 5 fans de Johnny et moi (seul fan de Johnnie de la salle) avons discuté. Les critiques cruelles leur semblaient aussi injustes qu'à moi, et ils louaient aussi bien la performance de leur idôle que le travail du réalisateur. Si Alain Delon avait accepté le rôle, les critiques auraient-elles été aussi négatives? De même, si le film n'était pas en compétition à Cannes, l'aurait-on tant décrié? Je ne peux pas répondre à ces questions, mais je pense qu'il est important de se les poser, et je reste persuadé que parmi les journaux "professionnels", on peut trouver beaucoup de mauvaise foi au fil des critiques qui ont descendu "vengeance".
Au delà de ces réflexions, "vengeance" est un film noir dont Johnnie To n'a pas à rougir.
VENGEANCE ne sera pas un point culminant dans la carrière de Johnnie TO, car comme d'autres critiques l'ont fait remarquer, le film est trop marqué par les anciens métrage du réalisateur. D'autre part, certaines séquences sont plutôt faiblardes, à l'image de ce gunfight visuellement peu engageant lors de la "soirée barbecue": la photo de nuit est trop blanche/artificielle et le gunfight en lui même n'est franchement pas un modèle d'esthétisme, il m'a d'ailleurs rappelé certaiens scènes du pétard mouillé qu'était TRIANGLE. D'autres séquences sont bien plus réussies, notamment les scènes nocturnes de ruelles même si là encore rien de neuf.
Personnellement j'ai trouvé la première partie accrocheuse, posant bien l'ambiance, ce qui m'a manqué c'est des gunfights exceptionnels, (attention certains scènes dégagent un violence bien brute, les coups de feu pètent bien à la tronche, mais c'est plus les gunfights collectifs qui sont moyens).
Sinon le personnage de Johnny est plutôt réussi bien que basique, je ne suis pas sûr que ça aurait convenu à Delon qui manque d'empathie, notamment les scènes sur la plage avec les enfants.
Bref tout ça pour dire que VENGEANCE est un bon polar dramatique de la milkyway qui malheureusement recycle un peu ses anciennes productions, malgré tout cela reste un bon film pour moi, pas dans mes préférés du réalisateur mais certainement pas un gros ratage non plus.
Johnnie To doit être un sacré fan de Melville. Dès le début, j'ai trouvé, dans ce film, quelque chose du Samuraï... Ambiance, rythme ou encore dialogues pingres.
En cherchant un peu (mais vraiment pas beaucoup en fait), j'ai appris que le scénario avait été taillé pour Alain Delon. Ceci explique cela. Toujours est-il que j'ai bien apprécié ce film, assurément plus que Le Samuraï que j'ai trouvé maladroit et dont le jeu des acteurs est pathétique. En prime, la photo est supperbe, comme dans bien des films de Johnnie To.
Arnaud Mirloup a tout résumé ^^. Vengeance est un film raté. Plombé par le jeu très limité de Johnny Hallyday mais aussi par un scénario repompé dans toute la filmographie du cinéaste et surtout d'une longueur agaçante (chaque scène semble interminable, là où cela ne pose aucun problème dans les précédentes réussites de To), comme s'il fallait que tout cela dure plus de 90 minutes pour ne pas décontenancer le public occidental. Mieux vaut regarder le sensationnel Exiled !
Johnnie To s'en tire bien avec ce projet qui aurait pu se planter facilement. Il arrive à composer de belles images en s'appuyant sur un scénario déjà vu mais avec une touche d'originalité dans l'amnésie du personnage. Un bon polar dans l'ensemble, introduction au cinéma de Johnnie To pour un grand public, mais forcément une oeuvre mineure pour les amateurs du réalisateur.
Alain Delon rêvait de tourner avec Johnnie To. Ce dernier ne s'est pas fait attendre. Au final on se retrouve avec Johnny Halliday en tête d'affiche. Quel terrible choc.
Et pourtant cette énième histoire de vengeance n'est pas si déplaisante à regarder. Et cela grâce à une mise en scène captivante de la part de To.
Concernant Mr Optic 2000, le fait qu'il ait très peu de dialogues sauve un peu le film car il faut être honnête, le Jonnhy national est ultra mauvais (même un Steven Seagal aurait fait mieux). Résultat, on regrette amèrement qu'Alain Delon ne fasse pas partie du projet. Le fait aussi que le personnage de Johnny devienne amnésique laisse à penser que le scénario ai été retravaillé de façon à ce qu'il puisse convenir au rôle. C'est assez radical quand même mais ça passe.
Mais bon, le reste du casting est là pour faire le taf. La part belle à Antony Wong qui est le véritable héros du film.
Un Johnnie To mineur mais pas désagréable pour autant. Et franchement ça aurait pu être pire.
Ah, la vengeance! Un thème cinématographique inépuisable qui compte un nombre incalculable de films plus exceptionnels les uns que les autres. Si l’on se souvient tous du Vieux fusil d’Enrico, un des grand moments du cinéma français avec un Philippe Noiret éblouissant ; en Asie, aussi la vengeance est un plat qui se mange froid. Le film Vengeance ! réalisé par Chang Cheh en 1970 a marqué toutes les mémoires avec notamment un David Chiang inoubliable en vengeur fraternel.
Johnnie To, le monsieur cinéma HK actuel, le génial metteur en scène des films PTU, The Mission, Exiled, du diptyque Election ou encore de Breaking News se met lui aussi aux représailles héroïques avec le film « Vengeance » sorti hier Mercredi 20 dans nos cinémas. Présenté en compète à Cannes quelques jours plus tôt, ce polar dans la plus pure veine des autres films du réalisateur propose une originalité singulière : la présence au générique de Johnny Halliday. Le personnage interprété par le chanteur (Francis Costello) se rend à Macau pour venger les assassinats de sa fille, de son gendre et de ses 2 petits enfants.
Admirateur du cinéma de Melville comme peut l’être également John Woo, Johnnie To utilise la gueule et le corps de Johnny comme une icône française échappé des grands films policiers des années 60 ou 70. Un chapeau sur la tête, vêtu d’un manteau noir, le personnage arpente les rues de la ville à la recherche des tueurs qui ont massacré sa famille. Par hasard, il fait rapidement la connaissance d’autres tueurs à gage auxquels il propose de l’argent et presque toute sa vie. Alors épaulé par 3 acteurs hongkongais made in Johnnie To, à savoir Lam Suet, Anthony Wong et Gordon Lam, Johnny Halliday s’en sort bien, très bien même si l’on excepte bien entendu son anglais approximatif et son jeu un peu faux. Une union sacrée unit rapidement le club des 4 avec comme valeur principale, le respect et la tolérance.Johnnie To excelle dans de pures séquences de cinéma avec une lumière, un cadrage et une mise en scène de génie. Alors, le spectateur se met à y croire, à croire que To a réussi à faire un polar avec Johnny Halliday, à rendre l’acteur chanteur enfin crédible dans le drame. L’homme parle peu mais impose sa gueule, son visage buriné sa simplicité mais surtout sa fragilité.Cuisine, flingues, poésie, humour et fusillades entrent rapidement en jeu et les figures de style du réalisateur explosent à l’écran, on nage en plein bonheur. A noter, la nouvelle performance de Simon Yam, en chef de triade infantile et incompétent.
Et puis, Johnnie To et Wai Ka Fai, son copain scénariste décident de rendre notre Johnny amnésique et seul. Livré à lui-même, l’acteur ne tarde pas à montrer ses faiblesses et sa seule présence à l’écran, sans ses frères de sang (partis guerroyer pour les besoins d’un gunfight jubilatoire) ne réussit pas à nous émouvoir et à nous emballer outre mesure. Le tout devient plus lourd, voire lourdingue avec un traitement du symbolique très maladroit, à l’image de cette séquence où Francis Costello prie, seul sur la plage pendant de nombreuses heures, bientôt entouré par les fantômes de son passé. Perdu, se trouvant une famille d’adoption, le gangster ne sait plus où il est, ne sait plus pourquoi il doit tuer. Cette orientation cinématographique est certes courageuse mais la mayonnaise ne prend pas. Bien sur le final retrouve du corps, la vendetta retrouve de sa superbe, les flingues s’imposent à nouveau mais il est trop tard. Le spectateur a déjà quitté le navire et les dernières séquences sont malheureusement subies. On sort de là, frustré comme jamais, merde Johnnie To n’a pas réussi son pari, n’est pas parvenu à signer le film de la consécration.