Pas de quoi s'extasier sur ces anges
Je n’ai jamais trop compris tout l’engouement que l’on pouvait avoir pour l’œuvre de Wakamatsu, hormis pour les plus historiens d’entre-nous de placer son œuvre dans le contexte Historique du Japon. Oui, ses œuvres les plus représentatives de son cinéma sont ancrées dans une époque où la politique du pays fit grincer bien des dents. A une époque où les étudiants orchestraient leur révolution, leur mai 68. Oui, en tant que bon révolutionnaire lui-aussi, Wakamatsu s’est dressé le majeur bien tendu dans une industrie monopolisée par les grands studios. Un mot à dire sur la société d’époque par le biais de sa caméra qui a pu, il est vrai, capter le regard et l’air du temps. Mais avec de telles œuvres, L’Extase des anges, Va va deux fois vierge, Les Anges violés ou encore SexJack, il n’est pas rare que de tels films repulsent naturellement le spectateur par leur côté soit trop théorique, hermétique ou complaisant dans la violence dépeinte sous nos yeux, trop impuissants à cause d’une mise en scène qui nous empêche de nous y détacher. Wakamatsu n’a jamais été un cinéaste se complaisant dans la violence, mais s’aventurer sans un regard critique et distancier dans l’œuvre de Wakamatsu pourrait revenir à ne pas comprendre l’œuvre en question. Ses niveaux de lecture, nombreux, donnent ainsi aux spectateurs matière à réflexion, matière à leur propre réflexion.
Chacun est donc libre de se faire une propre idée du cinéma de Wakamatsu, et ici plus particulièrement des Anges violés. Libre de tenter de comprendre les agissements hallucinants d’un homme s’incrustant dans le jardin d’un dortoir d’infirmières, lequel sera convié par celles-ci à prendre part à un spectacle saphique par le trou d’un mur. L’idée de voyeurisme est par ailleurs une figure de style récurrente chez Wakamatsu, lequel s’en sert ici pour amorcer un spectacle macabre sans issue aucune, désarmant. Une ironie d’autant plus terrifiante que ce sont les infirmières voyeuses, ces « anges » toutes vêtues de blanc, qui invitent leur bourreau à pénétrer dans l’antre. Et si l’on laisse le côté théorique du film, tant bien est qu’il y ait un message derrière tout ça (Bob Dylan, autre grand contestataire de toute une époque, disait au sommet de sa gloire que ses chansons n’avaient pas vocation à transmettre des messages), le film devient rapidement crispant : l’interprétation oscille entre réussie et navrante, les raccords ne sont pas ce qu’il y a de plus glissants et discrets et le rythme finit par nous achever. C’est bien dommage car, d’un point de vue cinématographique, le film contient de belles envolées : son introduction en forme de roman-photo malaisant, son insistance presque maladive sur les regards, sa conclusion visuellement de toute beauté et partiellement reprise par Miike dans le dérangé Visitor Q lui donnent une vraie consistance. Mais pour le reste, l’exercice semble un peu vain.