| Xavier Chanoine | 2.75 | Un ensemble vieilli mais non dénué de qualités |
Premier film coréen à avoir reçu les honneurs d'une projection en festival (notamment au 8ème Festival du film de Berlin), The Wedding Day est un petit mélange malin de comédie et de mélodrame sous fond de mariage raté. Jinsa Maeng est le chef d'une famille aisée et ne souhaite pas marier sa fille Gap-Bun à un autre haut placé dans la société, Mi-Eon, parce que se dernier boiterait de la jambe. Il décide donc d'envoyer à la place de sa fille sa femme de maison et espère que le secret sera bien gardé. Malheureusement les échos font état d'une véritable révélation pour Jinsa Maeng, en effet, Mi-Eon ne serait en vérité pas du tout boiteux. Seul problème, le mariage a déjà eu lieu. Les vicissitudes du père de famille ne font que commencer et au film de prendre un air de comédie légère et burlesque qui semble même se moquer de son sujet et du traumatisme vécu par le père de famille rendu encore plus ridicule, comme pour appuyer le fait qu'il ait falsifié l'identité de sa propre fille, trop belle et trop importante pour être mariée à un homme impotent. C'est pourquoi la femme de maison, Ip-Bun, devient Gap-Bun et vise versa, le cinéaste jouera d'ailleurs avec les noms des personnages une fois de plus pour casser les codes du mélodrame classique. Car The Wedding Day, en plus d'être une comédie franchement assumée, est un vrai mélodrame classique en costume comme il en fleurissait avec les stars de l'époque que l'on verra dans des films considérés comme importants pour la patrimoine cinématographique coréen, comme Mr. Park et Pitty Middle Manager. Le film démontre par exemple l'importance du mariage, qu'il soit arrangé ou non, dans les familles haut placées de la société quitte à briser des coeurs sans le moindre remord. Les vieillards du film prennent ça à la rigolade, la mère de famille rappelle les troupes, la servante est manipulée au grand désespoir de la fille à marier, et celle qui devait au départ craindre le haut placé Mi-Eon, tombera amoureuse et recevra une réponse favorable de la part du principal concerné. Le cinéaste essaie de prendre le spectateur à revers en démontrant que la servante Ip-Bun, au départ manipulée, trouvera en fin de compte le bonheur, d'où la déstructuration hiérarchique opérée à l'époque, évocation d'un conte à la Disney où une femme de chambre épousera un beau prince. Infaisable mais pourtant tout à fait possible au cinéma.
En fin de compte si The Wedding Day n'est pas un mauvais film, à l'heure où est il rendu disponible, de grands cinéastes du mélodrame et de la comédie sont déjà passés par là et le genre a franchement été servi à toutes les sauces jusqu'à saturation, d'où cette impression de voir avec un oeil d'aujourd'hui un film calculé au millimètre, structuré comme un mélodrame convenu, théâtral dans son interprétation (on trouvait sans doute plus de retenue dans le cinéma de Shanghaï) et filmé sans un grand sens du cadre malgré une poignée de travellings contemplatifs intéressants à défaut d'être très utiles dans la dynamique du récit : difficile de trouver grande signification lorsque Lee Byung-Il filme des plantes en plein air mais la variété du placement de caméra est louable, délivrant ainsi quelques gros plans plutôt jolis. Au final le spectateur curieux retiendra de cette aventure un goût prononcé pour la dérision et le je-m'en-foutisme total du sort infligé aux personnages. Entre blague et vrai film cruel, ce jour de mariage aime se moquer de son public.
