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Yohkiro, le royaume des geishas
les avis de Cinemasie
2 critiques: 3/5
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4 critiques: 3.38/5
Une peinture moderne et tragique sur le monde des geishas
Le cinéaste Gosha Hideo adapte pour la deuxième fois dans sa carrière un roman de Miyao Tomiko qui prend lieu et place dans la province de Kochi (anciennement Tosa) au cours de l'année 1933. Pour être plus précis, le film s'ouvre vingt ans plus tôt avec la mort de la compagne de Katsuzo, tuée par une bande de criminels en plein hiver. Ils laissent Katsuzo, seul avec sa fille en bas âge. Le film débute réellement que vingt ans plus tard, au printemps, dans un immense et prestigieux complexe tenu par des geishas où les hommes d'affaire et vieux riches retraités viennent prendre du bon temps et ainsi écouler des jours heureux. Momowaka est la geisha la plus importante au sein de l'établissement, celle qui mène les danses, celle qui accompagne les plus grands de part sa grâce et sa beauté irréelle. Parallèlement on retrouve Katsuzo, devenu proxénète sans coeur, achetant et vendant des femmes à la pièce ou au kilo, ce dernier n'hésitant pas à tâter la marchandise avant de débourser le moindre yen. Gosha Hideo contredit alors les tous premiers plans du film, d'abord ce premier focalisé sur de belles fleurs, pures et innocentes, puis ce déchirement d'amour dans la séquence qui suit. La suite est clairement en décalage avec l'introduction optimiste et belle comme un coeur. L'univers qui nous est présenté est impitoyable, rigoureux et difficile avec ses femmes : la maîtresse de Katsuzo n'en peut plus de lui et désire devenir geisha au Yohkiro, un poste refusé par la patronne qui ne voit en elle aucune motivation. Il est intéressant aussi de voir que la patronne des lieux évoque le cas des geishas d'une manière plutôt sombre et négative en disant que seules les femmes endettées peuvent devenir geisha, principale source de motivation.
Yohkiro, le royaume des geishas est donc une peinture de l'univers des geishas réaliste et même davantage décalée de ce que l'on a habitude de voir régulièrement chez les auteurs du cinéma japonais classique : les moments de beuverie avec d'un côté les geishas et de l'autre les "putes", les danses évoquant une forme de liberté que n'ont pas forcément le personnage qu'elles endossent pour faire plaisir aux messieurs, les bagarres en plan-séquence démontrant ici aussi la rage intérieure de chaque geisha obligée à se taire et à exécuter les ordres qu'importe le statut de chacune d'entre elle, qu'importe le statut de Momowaka qui délivre une performance pleine de retenue, de dignité et de souffrance intérieure. Gosha dépoussière un peu le genre en apportant un nouveau souffle, car si Mizoguchi filmait ses geishas avec retenue, fort d'une mise en scène tout en théâtralité et en plan-séquence, Gosha envoie un pied de nez au système en adoptant pour l'une des premières fois le plan-séquence mêlé aux élans provocateurs et "libérés" de ses geishas, le résultat est alors aussi jouissif que novateur pour un Gosha qui nous avait clairement habitué à autre chose, d'où ce sentiment de prendre du plaisir devant à la fois un pur mélodrame notamment dans la gestion des amours et de la grossesse de Momowaka et devant ce portrait aussi teigneux de la pègre japonaise. Pourtant, Gosha s'éternise un peu trop sur le sort réservé à Momowaka en fin de métrage, ce qui peut selon le public, agacer ou passionner à la manière des grandes tragédies. L'interprétation sombre d'un Ogata Ken des bons jours, les portraits attachants des geishas, la musique excellente de Sato Masaru et les images de Morita Fujio toujours aussi inspirées et esthétiques font de ce rare Gosha un film tout à fait recommandable pour les amateurs de jidai geki.
Le valet et quatre reines
Second volet de la trilogie des adaptations par Hideo Gosha des romans de Tomiko Miyao (après Dans L'Ombre Du Loup, 1982 et avant La Proie de l'homme, 1985), ce Yôkirô nous plonge dans le monde des zegens (maisons de prostitution) et maisons de geishas, autour desquels gravitent les yakuzas de l’île de Shikoku. Autour du héros proxénète, Katsuko (Ken Ogata, inexpressif), dont le travail consiste à approvisionner les bordels et maisons de geisha en viande fraîche, en achetant des jeunes filles aux paysans ou en exploitant les familles surendettées, se déploie un ballet de quatre femmes.
La première est la directrice de la maison des geishas la plus illustre de Shikoku, ce Yôkirô (Mitsuko Baisho, admirable en femme revenue de tout et patronne dure au mal). Elle fut sa maîtresse, après le meurtre de sa femme ; elle a recueilli sa fille, Momowaka (Kimiko Ikegami, sublime) dont elle a fait la meilleure geisha du Japon ; elle est aujourd’hui sa cliente puisqu’il est son prestataire de main d’œuvre, si l’on ose dire. La maîtresse de Katsuko, Tamako (Atsuko Asano, épatante dans le rôle d’une nature), jalouse du souvenir permanent de l’épouse défunte, décide de le quitter pour rejoindre le bordel de Shikoku où elle noue immédiatement une haine farouche pour les geishas locales, avec lesquelles elles se disputent les clients. Enfin, Tatsuko rachète à un employé endetté sa femme (Akiko Kana, une beauté) qu’il vend à Osaka. Mais la pègre locale se sert de cette recrue pour tenter de s’implanter à Shikoku. Katsuko va devoir naviguer entre les yakuzas des deux îles et ces différentes femmes.
Si Gosha sait à merveille conduire son récit, développer ses personnages et articuler avec subtilité récit criminel et récit sentimental, le film est remarquable pour sa bifurcation, à mi-parcours, vers une forme franchement feuilletonesque où tous les retournements sont permis (amitié de Momowaka et Tamako, qui s’étaient une bobine plus tôt livrées à une mémorable bagarre, retour de flammes entre Katsuko et la directrice de la maison de geishas) et qui se conclut en franc mélodrame. C’est avec un grand plaisir qu’on suit les tourments de ces sublimes actrices, impressionnantes de beauté et magnifiées par une mise en scène sensuelle et une direction photographique impressionnante de rigueur et de maîtrise.